Traversée du Golfe de Gascogne

Ça y est, nous larguons les amarres pour de bon !

Vendredi 26 septembre 2008, 14h00, c’est notre grand départ pour l’aventure. Notre grand voyage en voilier commence par la traversée du golfe de Gascogne. Une traversée qui a quand même assez mauvaise réputation.

Après 3 jours à Port Joinville à l’île d’Yeu où nous avons attendu la bonne fenêtre météo et tout peaufiné à bord de FIDJI, nous voilà vraiment partis !

(Pour lire l’article précédent : 1.4 Le Grand Départ).

La traversée vers l’Espagne doit durer 4 jours et 3 nuits. Avoir attendu le bon moment nous permet de le faire dans des conditions de rêve : soleil, mer à peu près calme, vent parfaitement établi dans le dos.

Une nouvelle vie de plaisancier voyageur au long cours commence

Nous nous retrouvons tous les deux dans un nouveau rythme. Celui où il faut apprendre à se poser, apprendre à n’être que tous les deux 24h sur 24. Isa s’amarine progressivement et passe beaucoup de temps ensommeillée tandis que je m’affaire et que je suis aux petits soins pour elle ! Je veux qu’elle aime ça ! Il faut qu’elle lâche prise, qu’elle se sente en vacances ! Mettez une hyperactive sur un voilier, emmenez là en mer plusieurs jours…Que va-t-il se passer ? Qu’est-ce que ça va donner ? Bonne question n’est-ce pas ?

Isabelle traverse le Golfe de Gascogne

Rencontre avec l’immensité

L’océan s’offre à nous et nous sommes seuls avec lui, le ciel nous comble de soleil et d’étoiles …il y en a tellement ! La voix lactée est magnifique, les constellations nous font rêver et prendre conscience de la taille minuscule que nous représentons. Dans cette immensité que penser de l’espace-temps, nous sommes éphémères et pourtant tellement doués pour nous compliquer l’existence !

Dans ce balancement généré par la houle, l’heure est à la méditation, à la reconnexion avec les éléments.

Certes il faut assurer la veille, le Golfe de Gascogne est un lieu de passage et nous pouvons y croiser de nombreux navires. Mais l’esprit s’envole avec le vent, le regard s’accorde avec la houle, tout est réuni pour que cette première « grande » navigation soit des plus belles…

Isa a le cœur toujours serré de ce départ. Les questions ne se sont pas encore toutes dissipées. Et elle était tellement fatiguée à tous points de vue. Mais comme tout est réuni pour une navigation de rêve dans cet endroit à la mauvaise réputation, finalement nos âmes vont facilement s’accorder, et le bien être l’emporter.

Prise de conscience et nouveaux amis

A bord, nous ne disposons que des moyens de communications dédiés exclusivement à la détresse (la balise satellite Cospas-Sarsat) ou aux communications de proximité (la radio VHF). Nous sommes donc « coupés » de la terre, au large. C’est une sensation nouvelle pour l’un comme pour l’autre. Tout est nouveau car c’est notre aventure sur la mer que nous venons réellement d’entamer.

Nous en prenons conscience en nous éloignant de la métropole sur notre voilier. Et nous allons faire équipe tous les trois. En fait dans une aventure comme celle-là, il y beaucoup plus d’acteurs qu’on ne pourrait l’imaginer. Bien sûr le voilier prend une part énorme car c’est lui qui va nous emmener, c’est notre maison sur l’eau, notre cocon. Mais nous allons aussi nommer certains accessoires qui deviennent à leur tour des coéquipiers : notre moteur diesel « Popeye », notre radar « Morphéus » (car il veille et nous permet un certain repos), notre moteur hors-bord « Petzouille », notre régulateur d’allure « Antoine ». Sans oublier bien sûr nos deux nouveaux amis, les peluches « Doudou », petit ourson blanc avec un cœur accroché à sa patte, et Citron, le petit poussin jaune. Ils ont été offerts respectivement par Emmanuelle (la fille d’Isa) et Sofien (son petit fils) et vont devenir acteur de l’harmonie à bord. Doudou et Citron parlent avec nous, et oui !

Doudou et Citron
Gros dodo dans la cabine arrière

Notre régulateur d’allure se révèle un excellent coéquipier. En effet, il barre le voilier à merveille et ne consomme pas un ampère ! Un outil formidable sur lequel je reviendrais dans un article dédié. Nous avons la visite d’un petit oiseau, un troglodyte. Un petit passager clandestin à plumes, épuisé. Il fait rapidement connaissance avec nous et volète près d’Isa qu’il n’hésite pas à suivre jusqu’au toilette où il gobe une mouche et s’installe sur ses genoux pour la becqueter. Puis nous avons la visite d’une hirondelle…

La vie en mer

Vous ne vous ennuyez pas trop en navigation ? Voilà une question qui revient souvent ! Notre emploi du temps se partage entre la toilette, le rasage de barbe, la lecture, l’écriture, une coupe de cheveu, la musique (en faire et en écouter), le grignotage, le bricolage, la contemplation, la confection des repas, les calculs de position et de route à la table à carte, les grandes discussions et les siestes. On finit par être occupé en regardant la mer, les nuages, les étoiles, les autres bateaux, les oiseaux, les dauphins. Non, on ne s’ennuie pas.

Le Navtex nous annonce régulièrement la météo, ainsi que France Inter en ondes courtes tous les soirs à 20h03. (Notez que ce service a récemment été…fermé).

Nous dormons dans la cabine arrière ce qui nous permet d’être à côté du poste de barre et il suffit de sortir la tête pour embrasser l’horizon.

Nous n’avons pas fait beaucoup de cuisine, nous contentant de soupe et de biscottes, de fruits secs et de fromage. C’est pratique et ça permet de s’amariner tranquillement. Isa tente quand même de faire une sorte de bolognaise avec du corned beef… Mais cette viande douteuse en boite qui nous a été conseillée par certains plaisanciers, nous rappelle la pâté pour chien et encore. Notre histoire avec le corned beef fut donc brève. Nous avons bien d’autres astuces pour nous alimenter sainement et facilement à bord.

Début de traversée du golfe de Gascogne
Traversée du golfe de Gascogne

Isa écrit dans son journal

Dimanche 28 septembre 2008 : « Après cette deuxième nuit passée en mer et un lever de soleil qui vous remplit l’âme de vie, je me suis installée tout à l’avant de Fidji, en figure de proue, quelques instants. L’hirondelle dort toujours dans la cabine arrière sur mon jean. D’être ainsi sur ce voilier en pleine mer sans distinguer encore quelques côtes que ce soit pourrait sembler ennuyeux à une « super-active » comme moi et pourtant je ne ressens aucun ennui. Je me repose et je vais au rythme du bateau, 5 nœuds. Petit à petit ma tête se vide de son quotidien terrestre et laisse juste ce qu’il faut de place aux meilleurs moments vécus en famille ou entre amis. Patrick revit, il était inquiet, je ne souriais plus, maintenant je vais mieux. Il faut dire que tout est réuni pour mon bien-être : mer calme, grand ciel bleu, chaleur progressivement en hausse et Pat aux petits soins pour moi ! Je le découvre libre, dans son élément. Il est nu, heureux de sentir le vent et le soleil sur son corps, heureux d’être sur l’eau, heureux d’avancer vers de nouveaux horizons, heureux de naviguer sur son bateau ! »

Approches de l’Espagne

Nous arrivons près des côtes espagnoles. La troisième nuit en mer est plus fatigante que les autres, dans la mesure où il faut surveiller les bateaux des pécheurs espagnols. Ils font des ronds et même des huit, je ne comprends rien à leur trajectoire que j’observe toutes les 5 minutes sur le radar. Forcément c’est un peu flippant et nous faisons de grands détours pour nous en écarter.

En somme, nous sommes très heureux de pouvoir compter sur notre équipier, Morphéus !

Nous doublons le cap Finistère

Il fait toujours beau même si le vent a forci, nous décidons alors de continuer et de passer la pointe située au nord-ouest de l’Espagne. Le cap Finistère. Ce sera chose faîte à la fin de notre troisième jour de mer, vers 19h.

Le vent est de nord de force 7, la mer agitée à forte, nous naviguons au largue et à grande vitesse. Fidji se révèle rapide. Je suis chaque jour plus enchanté par le Gin Fizz.

Nous poursuivons la route pour rejoindre la Ria de Muros y Noia dans laquelle se trouve le port de Portosin.

Arrivée en Espagne
Le cap Finistère en Espagne

Arrivée à Portosin en Espagne

J’avais repéré la marina de Portosin comme escale pour nous offrir un repos bien mérité. Il est 23h lorsque nous arrivons dans le port que j’avais évidemment contacté quelques heures auparavant à la radio VHF. Nous nous glissons à notre place, il y a du monde pour nous accueillir et c’est bien agréable ! L’accueil est effectué par des plaisanciers norvégiens, et anglais. Notre voisin de ponton quant à lui est Français. Et nous sommes en Espagne, on adore cette ambiance ! Ça y est, on est vraiment dans le voyage !

L’arrivée dans un port après plusieurs jours de navigation et de nuits de veille, nos corps encore dans le mouvement de la houle, étourdis par le vent, le soleil, la fatigue, provoque un bonheur à savourer sans compter !

Alors la douche de la marina, au jet puissant et chaud est la bienvenue. Le bateau bien tranquillement amarré au ponton nous attend pour une nuit profonde et sans rêve !

La marina de Portosin

Nous avons traversé le Golfe de Gascogne

Quelle satisfaction d’avoir traversé le Golfe dans d’aussi bonnes conditions ! Quel bonheur de pouvoir se reposer dans un port ! Notre navigation a duré 3,5 jours, 78 heures. Et comme nous avons parcouru 480 MN, cela nous fait une jolie vitesse moyenne, malgré les détours autour des pêcheurs espagnols, de 6,15 nœuds.

Le 30 au matin, nous découvrons la baie. Le vent fait danser les pales des nombreuses éoliennes sur les monts alentours, le paysage est magnifique et le soleil toujours aussi généreux. La marina est confortable et très propre, bien organisée quoi que petite. Nous y trouvons les commodités indispensables au gens de la mer que nous sommes : machine à laver, internet, et un yacht club sympa où la bière n’est pas chère. On s’y retrouve entre marins. On se raconte nos vies, on refait le monde, tandis que la douce Thérésa nous sert des bières bien fraîches en se laissant porter par nos récits vers des contrées qu’elle n’a pas encore eu le temps ou les moyens de visiter. Elle rêve et ses yeux brillent. Peut-être un jour elle embarquera à son tour pour vivre son aventure à elle. En attendant, elle nous installe confortablement sur la terrasse protégée du vent par des baies vitrées, à la vue imprenable sur le coucher de soleil et sur Fidji. Là nous pouvons enfin communiquer, rassurer nos familles et nourrir notre blog.

Les pontons de la marina de Portosin
FIDJI est arrivé en Espagne

Nous avons des nouvelles de nos proches et dans l’ensemble ils se font à notre voyage.

Nous essayons de joindre le notaire, le futur propriétaire de la maison et l’agence chargée de la vente…En vain…Ça nous laisse un gout amer et une sorte de malaise à l’esprit….Pourquoi ce silence ?

Après deux bonnes nuits de sommeil, nous repartons

Trois bateaux en escale nous informent qu’ils vont larguer les amarres pour rejoindre Porto. À peine le temps de faire sécher nos chaussette, car nous aussi allons profiter de la fenêtre que nous offre la météo, même si nous devons subir une houle de nord assez grosse.

Lessive à la marina de Portosin

Nous saluons Carmelita, la secrétaire de la capitainerie au sourire communicatif, qui nous fait une fleur en nous facturant la nuit à 34 euros (quand même !), prix basse saison, au lieu de 53 euros prix haute saison… Effrayant tout de même ces prix pour passer une nuit dans un port !

Nous quittons la Ria de Muros y Noia. Nous sommes le 1er Octobre et nous nous délectons de cet été indien.

Patrick Belliot

Mata’i Nautisme

Pour lire l’article suivant :

2.2 Croisière en voilier au Portugal