Retour en France en deux temps
Notre première expérience tropicale se termine donc en deux temps. En effet, Isabelle retourne à La Rochelle fin février 2008, un bon mois avant moi. Elle vient de passer dix semaines aux Antilles qui ont comme elle le dit…« un gout de reviens-y »!
Pour ma part, je continue les « charters » depuis la Martinique. Les semaines de croisière vers les îles Grenadines s’enchaînent sans aucune pause, avec divers employeurs et sur divers voiliers, monocoques ou catamarans. Il y a beaucoup de monde, ça marche fort les Antilles en cette saison !
(Lire l’article précédent : 1.3 Séjour aux Antilles).
Le boulot est évidemment plus dur sans ma nouvelle hôtesse-collaboratrice, mais c’est pour la bonne cause ! À chaque chèque, je pense au matos que je vais pouvoir acheter pour FIDJI. Je prendrais le temps de vous raconter quelques anecdotes de ces expériences, chaque semaine est différente et apporte son lot d’histoires à raconter…
Chacun de son côté, une dernière phase de réflexion avant le grand saut
En travaillant ensemble aux Antilles, nous nous sommes prouvés à quel point nous formions une bonne équipe. Quelle joie de pouvoir compter l’un sur l’autre !
Et donc, être à nouveau séparés par un océan n’est pas des plus agréables. Surtout que lorsque je suis en croisière, c’est-à-dire tout le temps, je ne suis pas très joignable. Sans parler du décalage horaire et du prix d’un appel vers les Grenadines…La séparation est donc bien totale, alors que nous ne nous sommes pas quitté d’une semelle depuis plusieurs mois.
Voilà un nouveau test que nous nous infligeons. Il est bénéfique en fait, car d’être chacun de son côté nous permet de bien nous recentrer sur ce que nous voulons vraiment. Après tout, ce que nous nous apprêtons à faire, partir autour du monde en voilier, n’est pas commun !
Autant bien y penser…AVANT !
À La Rochelle, grandes questions et sommeil difficile
Isabelle retrouve sa maison, sa famille, ses étudiants, ses ateliers, sa vie d’avant la mer et les tropiques. Elle doit prendre des décisions.
Comme tous ceux qui l’on fait le savent, une décision impliquant un changement radical de vie est une décision à la fois difficile et excitante. Même si le rêve et l’envie d’aventure prédomine, quitter ses repaires familiaux et ses repères de vie n’est pas simple. On écoute les avis des uns, on va à l’encontre des avis des autres, on rassure ses proches puis l’on essaie de se rassurer soi-même.
Isabelle a toujours été à La Rochelle, voilà plus de 40 ans qu’elle y a sa vie bien stable. Aussi stable que les tours du vieux port, comme nous aimons à le dire.
Les tours de La Chaine et Saint Nicolas, à La Rochelle
Des milliers de questions viennent troubler le sommeil :
« Qu’est-ce que je fais, qu’est que nous faisons ? On le fait ? On ne le fait pas ? C’est de la folie…. Je ne pourrais pas… En fait j’ai peur… Mais non, j’en ai vraiment envie…. »…
Toutes ces questions nous ont harcelés à cette période. Ce n’est pas facile.
Retrouvailles avec FIDJI
En avril, me voilà de retour en métropole. Nous nous empressons de retrouver FIDJI qui, depuis fin novembre comme vous le savez si vous avez lu l’article précédent : l’aventure commence , attend sagement d’être remis à l’eau. Il se trouve au chantier « Le Borgne » près de Baden dans le golfe du Morbihan.
Nous avons alors quelques problèmes avec le chantier. Celui-ci nous facture une vidange du moteur de FIDJI, alors que j’avais bien précisé que nous n’avions besoin de rien ! Facture d’un prix exorbitant pour un bidon d’huile, un filtre et 3 heures de main d’œuvre à 50 Euros chacune ! Tout ça pour une vidange que j’avais d’ailleurs fait moi-même avant de partir en novembre…en moins de 30 minutes !
Bref ils ont essayé de m’arnaquer ! Mais je ne me suis pas laissé faire, je n’ai pas payé cette facture et au final j’ai dû écrire à la répression des fraudes pour faire cesser le harcèlement qui s’en est suivi pendant quelques semaines !
Ce qui génère ce genre d’abus, à part le fait qu’il soit facile pour un chantier de prendre un voilier en otage, c’est le fait que trop de plaisanciers se laissent faire.
Certains payent les factures sans se poser de question. Je comprends aisément que l’on n’ait pas envie de se prendre la tête, mais bon il y a des limites quand même !
Et après on va nous dire que la plaisance c’est cher. Tu m’étonnes, avec ce genre de pratiques !
FIDJI au chantier Le Borgne dans le Golfe du Morbihan
Remise à l’eau et première navigation
Je quitte donc ce fameux chantier Le Borgne avec FIDJI et fait relâche quelques jours juste à côté, au Crouesty afin de récupérer plein de matos tout neuf : la Grand-Voile et le Génois All Purpose arrivent à bord. Je suis ravi ! Panneau solaire, radar, GPS, balise de détresse et pleins d’autres belles choses qui nous coutent un bras rejoignent aussi le bord. Au moins nous savons pourquoi nous avons bossé cet hiver !
Début Mai, en solitaire, j’amène FIDJI à La Rochelle. Une première véritable navigation à bord de notre voilier ! Tout se passe pour le mieux et lorsque je remonte le chenal de La Rochelle, Isabelle m’attend sur le quai. Passer entre les deux tours du vieux port, la tour de la Chaîne et la tour Saint Nicolas, est toujours un événement tant elles sont chargées d’histoire.
FIDJI, notre voilier est à La Rochelle pour l’été.
Beaucoup de choses à gérer
N’ayant pas trouvé la solution pour faire autrement, la maison est mise en vente à contrecœur et cela occasionne des travaux.
Il faut s’occuper de l’administratif, de l’agence, de la banque et des crédits que nous avons, des assurances, trouver une remplaçante pour les ateliers mémoire qu’Isabelle avait créé 9 ans plus tôt. Il est également prévu d’acheter un appartement. Il faut vendre les meubles, faire le tri parmi les objets et souvenirs familiaux. C’est éprouvant.
FIDJI se prépare pour son grand voyage
FIDJI quant à lui est amarré tantôt dans le vieux port, tantôt dans le bassin des chalutiers près de l’aquarium, en fonction des places disponibles.
C’est la première fois que je bichonne MON voilier. J’en ai bichonné des voiliers, par dizaines, OOH que oui ! On peut dire que je connais bien les flottes de mes anciens employeurs…Pour sûr ! Là c’est MON voilier et cela n’a donc plus rien à voir !
Nous lui ajoutons de l’autonomie et de la sécurité. Electronique diverse, réservoir d’eau supplémentaire, annexe, alarme « homme à la mer », pompes de cale, révision du radeau de survie, outillage, pharmacie, batteries, cartes marines, assurances…
Il faut aussi faire la liste des provisions alimentaires pour plusieurs semaines voire plusieurs mois parce que nous ne savons pas trop ce que nous allons trouver sur la route des Antilles…Le temps file et on se bouge dans, sur et autour de FIDJI.
Sur les quais, certains nous observent, d’autres viennent nous poser des questions. Nous faisons rêver les gens avec nos préparatifs et notre prochain départ vers les tropiques, cela fait du bien et nous encourage !
De surcroît, beaucoup de passants connaissent le Gin Fizz et nous encouragent encore plus en voyant notre exemplaire si magnifiquement remis à neuf ! La croisière dont nous rêvons est douce et paisible et il semble de l’avis de TOUS les connaisseurs, que nous ayons choisi le bon voilier pour notre projet.
Au vieux port de La Rochelle
L’été file à grande vitesse
En Aout, nous sortons à nouveau FIDJI pour lui installer une hélice à mise en drapeau, la Kiwiprop. On en profite pour repasser deux couches de peinture antifouling. Soudures des tubes en inox pour articuler le nouveau panneau solaire, démontage complet du régulateur d’allure pour être dégrippé, fabrication d’une table de cockpit…On continue. Et en même temps on s’occupe de la maison !
Les objets prennent leur place à bord : beaucoup de livres, les fringues, les ustensiles de cuisine, les guitares, mais aussi des objets sentimentaux pour sentir la présence de ceux que l’on aime à nos côtés.
Isa partage son temps entre sa famille, la maison, les ateliers et les étudiants d’un côté et la préparation de ce grand départ de l’autre.
Compromis signé
Et puis un compromis de vente est signé fin Aout, il faut complètement vider la maison. On a la tête qui tourne, on rit, on pleure, on s’interroge encore et encore, on a confiance, on a peur, on est ivre. Il faut penser à tous et à tout, l’administratif n’est pas des moindres.
La signature définitive de la vente est prévue pour fin octobre. Isa prendra l’avion depuis le Portugal, ce qui lui permettra de retrouver les siens après seulement un mois de mer.
Septembre, le départ est proche
Depuis notre retour des Antilles, nous n’avons pas arrêté. Nous ne nous sommes offerts que quelques navigations avec FIDJI pour mieux le connaître. Un aller-retour en Bretagne, quelques sorties vers l’île de Ré et l’île d’Yeu.
Et les jours passent, juste le temps de faire les courses et la voiture est à son tour, vendue.
Amis, famille, beaucoup viennent à bord nous saluer, nous encourager, nous gâter. Par tous ces petits gestes ils voyageront avec nous. Ils savent tous qu’ils peuvent nous rejoindre quand bon leur semble pour vivre un bout de cette aventure ensemble ! Nous espérons tant qu’ils le feront !
FIDJI est prêt !
Les coffres sont pleins de tout et plus encore…L’excitation est à son comble, mais le cœur est serré, très serré.
Pas facile de dire au revoir à ceux que l’on aime. Pas facile du tout.
Nous quittons La Rochelle tôt le matin, doucement sans clairon ni trompette, après avoir pris un dernier café avec le très sympathique Capitaine du Port, Christian. Nous passons une dernière fois entre ses tours, direction La Baule – Le Pouliguen et Batz sur Mer, car nous avons encore de gros bisous à déposer chez ma grand-mère et mes parents.
En chemin, nous mouillons à l’anse des Vieilles à l’île d’Yeu où nous passons une merveilleuse nuit. Puis nous retrouvons mes parents et ma chère mamie au Pouliguen.
Dans le port de La Baule – Le Pouliguen, avec ses 2m de tirant d’eau FIDJI touche le fond à marée basse, il « fait sa souille » au ponton visiteur.
La baie de La Baule où j’ai tiré mes premiers bords de voile, par Thomas Pesquet
Allez, on largue les amarres
Quelques jours à se faire chouchouter, puis il est temps d’envoyer les voiles et de se laisser porter par le vent vers de nouveaux horizons. Nous laissons mes parents sur la digue, les larmes coulent…Partir a un prix.
Quelques images de notre grand départ, depuis le port du Pouliguen…
Peu après, alors que nous sommes encore sous le coup de l’émotion, nous traversons l’embouchure de la Loire en direction de l’île d’Yeu. Une vague provoquée par les courants de marée, ce qui est normal dans les parages, nous réveille bien comme il faut. Je l’ai mal anticipée, elle frappe la coque et remplit carrément le cockpit. Elle percute aussi la planche à voile qui arrache les sandows et les fixations qui la retenait à l’extérieur des chandeliers à tribord ! Je la rattrape in extremis à bout de bras.
Depuis lors, nous savons que c’était une mauvaise idée de l’accrocher là. Mais bref, la cuisine et la cabine arrière ont pris l’eau, il va falloir tout rincer et faire sécher.
C’était notre baptême pour fêter le départ !
Dernière escale à l'île d'Yeu
Nous faisons à nouveau escale à l’île d’Yeu, à Port Joinville cette fois. Et pendant quelques jours nous finissons tranquillement de nous préparer en attendant la bonne fenêtre météo pour traverser le Golfe de Gascogne.
Cette fois, nous sommes seuls, pas d’amis, pas de famille à l’île d’Yeu. Nous sommes fin Septembre, l’été se termine, le port de plaisance a retrouvé la quiétude que nous lui préférons. Port Joinville est une bonne escale pour se remettre les idées en place.
Et puis la fenêtre météo arrive et s’installe. Elle est nette, pas de doute, un superbe anticyclone nous offre plusieurs jours de portant. C’est maintenant qu’il faut traverser le golfe de Gascogne.
Nous sommes le vendredi 26 septembre 2008, on y va ! Cap sud-ouest, vers l’Espagne !
FIDJI file, quel bon bateau ! Il est magnifique ! Nous sommes confiants ! Nous sommes en route, à nous le grand voyage !
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme
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