Décollage pour les tropiques…
Le 28 novembre 2007 nous nous envolons vers la Martinique, ensemble pour la première fois.
Pour ma part, il s’agit de mon 5ème voyage aux Antilles. En effet, j’y exerce mon métier de marin, skipper ou moniteur saisonnier depuis quelques années. Mais pour Isa, c’est une découverte TOTALE.
Notre voilier FIDJI, que nous venons tout juste d’acheter, est au sec dans le Golfe du Morbihan et attend notre retour. Isa a organisé au mieux ses activités à La Rochelle afin d’avoir l’esprit libre pour découvrir les Antilles pendant 10 semaines. Une durée qui nous semble équilibrée pour mettre à l’épreuve notre couple avant de nous lancer dans de plus grandes aventures.
(Lire l’article précédent : 1.2 L’aventure commence)
Pour Isa, le contraste s’annonce saisissant puisqu’elle ne sait pas trop à quoi s’attendre, et je me réjouis de partager cette arrivée aux Antilles avec elle. En quelques heures de vol, on change de monde. Il faut dire que l’on passe d’un environnement gris, sombre et froid, à un monde de couleur, de lumière et de chaleur. Quel pied ! Et cette joie est décuplée en décembre, lorsque l’Europe s’enfonce inexorablement dans l’hiver !
Un tremblement de terre à l’atterrissage !
Après 8h de vol, nous distinguons la Martinique par nos hublots. Notre avion entame un grand cercle au-dessus de l’île comme pour retarder son atterrissage.
Le commandant nous annonce alors que, quelques minutes avant d’atterrir, un fort tremblement de terre a secoué la Martinique…Oups ! (séisme en Martinique du 29/11/2007)
Comment interpréter ce signe ? Nous le prenons comme un signe de bienvenu, la Martinique, un peu comme nous, frétille de joie de nous voir arriver. C’est sûrement ça.
Enfin, nous finissons par débarquer, chargés entre autres d’une grosse planche à voile et du matériel qui va avec (voiles, mât, wishbone) sur le sol martiniquais.
Marie, une amie de la famille, est là pour nous accueillir. Elle nous emmène au studio, superbement situé à Ste Anne, qu’elle et Pierrick vont nous louer ou plutôt nous prêter, car le loyer est plus symbolique qu’autre chose, pendant notre séjour sur place.
Isabelle découvre les tropiques
Sur la route qui nous conduit à Ste Anne, et dès les premières heures, Isa est dans l’émerveillement des premières sensations qu’offrent le climat et les paysages tropicaux : Elle écrit dans son journal :
« Quel incroyable moment ! Tout est différent : la température, l’humidité de l’air, les parfums, les saveurs, les sons, les couleurs. Les petites grenouilles qui accompagnent par leur chant strident les soirées, les oiseaux qui sifflent dès le lever du soleil, les fruits délicieux gorgés de sucre, les fleurs plus colorées les unes que les autres, la cuisine épicée, la chaleur de la mer, les couleurs de l’eau, la beauté des paysages…. C’est étourdissant. Il y a tant à découvrir, on voudrait arrêter le temps pour mieux en profiter. »
Un peu de tourisme en Martinique
Avant de reprendre le travail, nous prenons quelques jours afin de visiter la Martinique. Madinina comme elle était appelée autrefois, l’île aux fleurs.
Chaque matin, dès que le soleil se lève, le spectacle est chargé d’émotions. L’atmosphère est propice à la rêverie et à la découverte. En circulant à travers l’île, on y voit se succéder sans transition divers paysages. Forêt tropicale humide, grands arbres, fougères arborescentes et fleurs de balisier. Zones sèches, cactus, Allamanda à fleur jaune ou mauve. Le majestueux flamboyant aux fleurs rouges écarlates…
L’île nous offre un aperçu des richesses des terres d’outre-mer avec ses espèces florales ou animales endémiques. Ainsi nous avons pu observer le précieux colibri, ainsi que l’oriole, les sucriers, les martins pécheurs et tant d’autres encore. La mangrove permet aux poissons de se reproduire et offre le repos aux oiseaux migrateurs venant d’Amérique du nord. Eux aussi n’ont pas peur de voyager. Les insectes, papillons, coléoptères et autres arachnides ne manquent pas à l’appel. Pour les botanistes, les amoureux de la nature, il y a vraiment tout pour régaler les yeux et, en fait, tous les sens.
Et nous avons gravi le volcan, le Mont Pelé. Pour prendre de la hauteur, le paysage là-haut est à couper le souffle. Nous avons découvert les magnifiques plages de sables noirs au nord, l’anse couleuvre et plusieurs autres, et celles de sable blanc au sud. Nous en avons vraiment pris plein les yeux ! Nous avons même rencontré la « matoutou falaise », mygale impressionnante pour nous occidentaux qui n’avions, en plus, pas joué dans la cour de Fort Boyard.
L’importance de l’amitié
Nous avons aussi eu la chance de passer de chaleureux moments avec des amis. Isabelle retrouve même des amis de longue date, venus s’installer en Martinique 20 ans auparavant, Didier et Christelle. Nous sympathisons avec Paulo, Laurence et leur fille Marion qui nous racontent leurs 2 tours du monde à bord de leur voilier, Cuzco !
On s’assoit souvent dans leur cockpit, autour d’une table sur laquelle se croisent ti-punch et bières « Lorraine » sur lesquelles il est précisé « bière spécialement étudiée pour le climat tropical ». On écoute ces voyageurs, leurs récits plein d’anecdotes, on boit autant leurs paroles que les boissons qui les accompagnent.
Je suis particulièrement impressionné par leur séjour de 9 mois au mouillage aux Chagos. Passer autant de temps au mouillage, coupé du reste du monde, en autonomie totale. Cela me laisse complètement rêveur.
Et l’on continue donc à rêver, et on prend des notes, car bientôt c’est nous qui seront au mouillage ici avec notre propre voilier ! C’est nous qui allons partir en voyage à notre tour !
Plus nous en parlons avec eux, plus nous sentons que c’est possible et que cela nous correspond.
Notre premier convoyage ensemble
Rapidement, une première offre d’emploi s’offre à nous. C’est un convoyage pour la société Moorings pour laquelle j’ai déjà travaillé précédemment. Il faut livrer COMET, un catamaran Robertson & Caines, Léopard 45, à St Martin. Une belle balade depuis la Martinique !
Je connaissais déjà bien COMET, puisque l’année d’avant, j’avais effectué à son bord une croisière de 15 jours dans les Grenadines avec des Norvégiens super sympas.
Une offre parfaite pour qu’Isa découvre la mer des Caraïbes, nous sautons évidemment sur l’occasion ! En effet, c’est idéal pour qu’elle découvre que la mer dans la région n’a rien d’un petit lac tranquille comme on le voit toujours sur les cartes postales. Idéal aussi pour qu’elle se familiarise avec les catamarans, qui ne bougent pas comme les monocoques, avec la pêche, l’activité à bord, l’organisation des croisières…
Je vais pouvoir bien lui montrer tout ça, car nous l’avons pour nous tout seul ce beau catamaran, pour une bonne semaine ! Un vrai voyage de noce ! Cela ne pouvait pas mieux commencer !
De plus, dans la mesure où cet employeur me fait confiance puisqu’il me connait, il est d’accord pour que nous prenions notre temps et même pour que nous fassions quelques détours. Rare, voire exceptionnel d’avoir de tels employeurs. C’est la société Moorings, pour la location de voiliers, parmi ceux que je connais, ils sont les meilleurs.
Et nous en avons bien profité puisque nous avons fait escale au nord de la Martinique à Saint Pierre, puis à la Dominique, aux Saintes, en Guadeloupe où nous avons retrouvé des amis, à Antigua, à St Barth et enfin à St Martin.
Ci-dessous une photo de COMET et d’Isa qui apprend à monter sa première ligne de traîne !
Mettre un masque et un tuba pour la première fois
Lors de notre mouillage aux Saintes, après une navigation assez musclée, je propose à Isa de faire du PMT pour se remettre en forme.
– PMT, c’est Palmes, Masque, Tuba ! Tu vas voir c’est fantastique de découvrir les fonds marins !
– Ouhlala, mais je ne sais pas faire ça moi !
Malgré le fait qu’elle soit née en bord de mer, Isa n’avait jamais utilisé un masque et un tuba ! Mais…Elle a très vite appris car dès le premier essai, elle s’est senti à l’aise !
Quelle incroyable découverte, dans ses eaux chaudes et translucides…Surtout lorsque l’on a vécu toute sa vie à La Rochelle où l’eau de mer est, comment dire, légèrement moins claire…Et quel bonheur de lui faire découvrir ça ! Quel bonheur de voir son enthousiasme !
Notre amour et notre complicité grandissent alors à vue d’œil.
Dorénavant, dès que l’ancre est mouillée et le moteur coupé, Isa saute à l’eau à la rencontre de la faune et de la flore marine tropicale. Un spectacle merveilleux ! Il y a tant à voir sous l’eau, tant de poissons aux multiples couleurs, tant de coraux…. Magnifiques tableaux !
Et puis la mer est si chaude ! Et qu’est- ce que c’est bon de plonger après une navigation agitée, la fatigue s’estompe vraiment. Main dans la main, nous nageons de patate de corail en patate de corail.
Sur la photo ci-dessous, Isa essaye le PMT pour la première fois, aux Saintes, près de la Guadeloupe
Bilan de notre première croisière antillaise ensemble
Ce premier convoyage est très concluant ! Isa n’a pas le mal de mer, l’organisation à bord a été bien gérée, l’ambiance au top, des vraies vacances. Et Isa n’était pas vraiment une habituée des vacances. C’est le moins que l’on puisse dire car je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi actif qu’elle.
Le retour de ce convoyage se fait en avion ! Un super vol entre Saint Martin et la Martinique, c’est parfait, la cerise sur le gâteau ! Voir la route que nous venions de faire depuis les airs c’était quand même trop fort !
Une conclusion s’imposait, nous allions pouvoir travailler ensemble, accueillir nos passagers et partager avec eux notre amour de la mer, de la voile, de la vie ! Je crois pouvoir dire qu’Isabelle a apprécié mon calme, ma pédagogie, ma compétence, et moi j’ai adoré son enthousiasme, sa soif de vouloir toujours en savoir plus, de découvrir plus, d’en voir plus.
Après ce convoyage de rêve, la douche froide
Nous voilà à nouveau en Martinique, au Marin, avec nos CV.
Les sociétés de location de voilier, ou de « croisière charter » implantées en Martinique ne manquent pas. Dès notre retour, nous embarquons pour 15 jours sur un autre catamaran, un Fountaine Pajot Bahia 46 cette fois, pour la société « Régis Guillemot ».
Cette deuxième expérience fut beaucoup moins jouissive. Rien à voir avec ce que nous avions vécu quelques jours auparavant. On frise même la douche froide. Tellement froide que nous avons décidé de vous raconter ça dans un autre article, par ici : Aventure salée sur un catamaran Bahia 46.
Bref, ce fut difficile, avec des clients durs à supporter. En fait cette expérience fût la pire jusqu’à aujourd’hui car par la suite cela s’est toujours bien passé. Tant mieux, et pourvu que ça dure !
Et les croisières s’enchaînent
Le contrat suivant, c’est un « charter à la cabine », notre employeur : SWITCH. Nous embarquons sur des catamaran Lagoon 570 conçus pour accueillir un max de monde. Nous sommes 14 à bord !
Sur ces catas nous sommes les « maîtres de cérémonie », ce qui nous convient parfaitement ! Mais c’est un boulot extrêmement prenant ! L’organisation doit être très bien menée et minutée, les 12 clients que nous recevons chaque semaine sont exigeants de 6 heures à 22 heures minimum.
Pas de temps pour nous. Un confort très limite est prévu pour l’équipage professionnel, puisque nos cabines sont dans les pointes avant comme trop souvent pour cette activité.
Heureusement dans les Lagoon 570 les pointes sont aérées par un hublot sur le côté. Et elles sont équipées de sanitaires sous les couchettes ! Je vais faire preuve d’ingéniosité pour transformer ma couchette en lit double, nous aimons trop dormir ensemble tous les deux. L’autre pointe sera dédiée uniquement à nos sanitaires. Mais à deux dans une pointe avant, c’est vraiment très serré.
Ci-dessous les Lagoon 570 de SWITCH
Des métiers difficiles, exigeants et très fatigants
Hôtesse et skipper sont des métiers très prenants qui demandent diverses compétences. Et une bonne forme physique, car on court toujours partout, on dort peu, on porte des charges lourdes, on ne compte pas ses heures. Il ne vaut mieux pas trop se poser de questions, et de toute façon on n’en a souvent pas le temps.
Avec SWITCH le programme nous fait parcourir 300MN, 550km, en 6 jours, avec plus d’1 nuit blanche et demi de navigation à chaque croisière, un catamaran avec tout son matos à gérer ainsi que 12 clients à satisfaire 24h/24.
Ces métiers requièrent un grand sens de l’accueil et beaucoup de bonne humeur. Il faut être capable de cacher aux clients ce qui ne va pas et contenir ses coups de gueules malgré la fatigue. En particulier lorsque l’on tombe sur des employeurs qui n’ont que faire du droit du travail, du confort, du repos et du bien-être de leurs salariés.
Lorsque je prendrai le temps d’écrire sur ce sujet, je suppose que ce sera un peu poivré, car en effet je suis assez remonté.
Skipper professionnel, un métier de jeune ?
Le paradis des Tobago Cays
En tout cas ces croisières nous ont donné l’occasion de rejoindre 6 ou 7 fois ce lieu de prédilection, le top au sud des Antilles : Les Grenadines et les Tobago Cays !
En un instant, on tombe amoureux de cet endroit. Îlots éparpillés et protégés par une barrière de corail formant un double fer à cheval. Rencontre avec les tortues, les iguanes. Le sable des îlots est doux et blancs, les eaux translucides incitent au PMT. A travers les patates de la barrière de corail il est fréquent de rencontrer, posé sur le fond le requin dormeur, de croiser la route des rubans de poissons chirurgiens, de suivre une raie léopard, d’admirer la tortue broutant l’herbe des fonds, de se laisser attendrir par cette multitude de petits poissons colorés, costumés comme au carnaval. Tout un monde en couleur !
Ouah, que c’est beau, que c’est beau !
Et à chaque croisière : langoustes, préparées de mains de maître par notre super Jean Claude, à la barre de son bateau sur la photo ci-dessous.
Le test est concluant, le pari réussi
Entre les moments au travail et les rares périodes de repos, nous avons réussi notre pari : Découvrir les tropiques, nous découvrir encore mieux nous-même, visiter les îles de St Martin à Petit St Vincent, tout en remplissant efficacement notre caisse de bord. C’est réussi.
Et surtout, nous avons apprécié le travail ensemble. Nous formons une très bonne équipe qui garde son self control même dans les moments difficiles, et nous avions besoin de cela pour en être sûrs. Nous nous sommes mutuellement mis à l’épreuve et sommes bien heureux du résultat !
Isabelle retourne en France
Maintenant il faut organiser notre grand départ. Isa rentre quelques semaines avant moi en France, son séjour aux Antilles a duré 10 semaines. Elles furent riches et intenses, plutôt bien amorties, c’est la moindre des choses après tout ce boulot ! Pour ma part, je repars sans elle en croisière jusque fin avril, et je visualise chaque chèque reçu comme autant de matos pour FIDJI.
Notre caisse de bord va nous permettre de préparer plus sereinement notre aventure en voilier, qui va commencer dans peu de temps, puisque nous voulons partir en septembre.
À suivre…
Mais avant, il reste beaucoup de choses à faire, à penser, à prévoir.
Début mai, je rentre à mon tour en France et je file retrouver FIDJI.
Il n’attend qu’une chose, prendre la mer, mettre les voiles, larguer les amarres !
Après 5 mois au sec, il est recouvert des aiguilles de pins du chantier Le Borgne, dans le golfe du Morbihan.
Pour une fois, je suis sur mon bateau, c’est nouveau pour moi qui est pris la mauvaise habitude de ne m’occuper que des bateaux des autres.
J’aime bien cette nouvelle sensation !
La suite au prochain épisode…
Pour finir en beauté, deux fleurs des Antilles
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme
Pour lire l’article suivant :
1.4 Le grand départ