Comment notre grand voyage en voilier a commencé…
Octobre 2007, je venais de fêter mes 30 ans…
Comme je l’expliquais dans l‘introduction à nos carnets de grand voyage en voilier, déjà tout jeune, puisque j’avais seulement 6 – 8 ans, j’étais captivé par les aventures d’Esteban, de Tao et de Zia à la recherche des mystérieuses cités d’or. L’époque de Récré A2, le début des années 80…J’y pense toujours avec tendresse ! Si vous voulez voir ou revoir un épisode, ils sont disponibles en ligne. Je vous conseille les trois premiers qui sont excellents.
Plus tard, la lecture de divers livres de vagabonds des mers, ainsi que les cassettes vidéo du chanteur Antoine se baladant tranquillement aux Tuamotu en documentant ses aventures, mes héros de surf et de windsurf, etc…renforcèrent ce projet naissant, cette envie de voyage en voilier, ce rêve de lagon, de cocotier, de vie « simple » au soleil.
Puis il y a eu mes rencontres dans le milieu de la plaisance dans lequel je me suis investi très tôt en devenant moniteur, éducateur sportif puis skipper professionnel.
Mon planning établi par les étoiles
Comme vous le savez, en 1999, j’avais pris rendez-vous en Polynésie avec l’éclipse totale de soleil du 11 Juillet 2010.
Ce n’est pas que je sois obnubilé par les éclipses, mais j’avais conscience qu’il fallait se donner une date pour partir. Sinon, à force de repousser l’échéance on risque de ne jamais larguer les amarres.
Donc voilà, c’était un objectif que je trouvais sympa d‘être accueilli en Polynésie par un événement céleste rare. Je savourais par avance la satisfaction qui m’envahirait si jamais je réussissais ce pari.
En tout cas, pour arriver à temps, le départ devait avoir lieu en été 2008.
Avant d’acheter notre voilier
En novembre 2007, nous allons nous envoler en avion vers les Antilles afin d’aller y travailler ensemble comme skipper et hôtesse pour la première fois. Ce voyage est censé remplir la caisse de bord le plus possible. Mais il doit aussi être un test grandeur nature de notre amour et de notre capacité à vivre et à travailler ensemble !
Un test qu’il nous semblait important de faire AVANT le grand saut : Partir traverser les océans rien que nous deux, faire un grand voyage en voilier !
Un test d’autant plus important qu’Isabelle est depuis toujours bien amarrée à La Rochelle. Et vraiment bien bien amarrée, un peu comme ces tours millénaires du Vieux Port. En tout cas, elle n’a jamais été sous les tropiques de sa vie, même si cela fait longtemps qu’elle rêve de voyage. Sans qu’elle n’ait pour autant envisagé de le faire en voilier.
Ce séjour professionnel Antillais, c’est évidemment une façon « un peu » particulière de faire découvrir la mer à sa femme. Mais c’est efficace, et j’aime ça.
Pour ce faire, Isabelle a mis « en pause » ses activités professionnelles quelques mois, pour retourner à l’école (à l’âge de 44 ans !) afin d’obtenir un titre et un livret maritime lui permettant d’embarquer avec moi.
Après une telle aventure, nous devions être fixés sur notre couple, notre envie et notre motivation à voyager ensemble…Bref, je vous raconterai cette première aventure tropicale dans le prochain article.
Comment nous avons découvert FIDJI
Donc, quelques semaines avant de partir pour notre saison en Martinique, nous visitons un salon nautique qui compte un grand nombre de voiliers d’occasion, le« Mille Sabord ». Cela se passe chaque année dans le port du Crouesty en Bretagne sud. Nous visitons ce salon histoire de nous faire une idée, sans intention d’acheter, car nous voulions le faire en revenant des Antilles.
Et pourtant c’est là que notre route croise celle de « FIDJI ». Il va devenir notre maison, notre moyen de voyager autour du monde, notre outil de travail, notre capital, notre carapace. Notre budget, entre 50 et 60000 Euros, n’était pas encore totalement réuni.
Mais FIDJI était une trop belle occasion, il ne fallait pas la rater. Et Isabelle a ressenti quelque chose : Dès son premier regard sur ce voilier, elle sait que ce sera celui-là. Instinct féminin ?
Ce jour-là, nous visitons une dizaine de voiliers et aucun ne nous plait vraiment. Nous pénétrons dans un vieux « Dehler » dont l’intérieur est tout en plastique, du sol au plafond. Alors que je me dis que ça doit être facile à nettoyer avec un bon coup de jet d’eau, Isa est déjà ressortie. Elle trouve ça très laid malgré l’insistance du vendeur.
Pendant que je me laisse baratiner, Isabelle, seule sur le ponton, voit FIDJI. Elle ressent physiquement que ce voilier l’appelle, une sensation impossible à décrire.
Elle me rejoint au plus vite et m’attrape par le bras :
– « Est-ce que les Gin Fizz sont des bons bateaux ? » me demande-t-elle
– « Ce n’est pas tout jeune, mais ils ont une très bonne réputation »
– « VIENS VOIR ! Il y en a un qui m’a fait signe !! »
Tout va ensuite très vite, première sensation très positive en montant à bord de Fidji. J’essaie de refouler ces premiers sentiments que mon cerveau cartésien considère comme irrationnels et prématurés.
D’autant que nous ne sommes pas là pour acheter !
À cette époque, j’ai déjà une certaine expérience des voiliers habitables. Depuis mes premiers bords en tant que moniteur Fédéral de l’UCPA en 1998, j’ai navigué sur des dizaines de voiliers différents, des modèles variés. Ce sont donc des questions précises que je pose au vendeur. Je ne me laisse pas impressionner, ni par la propreté irréprochable du navire, ni par son âge (32 ans).
J’observe de très près le moteur, les boulons de quilles, l’état des cloisons, les cadènes et leurs renforts, le mât et la bôme, les varangues, la rigidité du pont, la pile de factures, etc….
Un voilier de plus de 30 ans dans un état impeccable
Après quelques minutes d’inspection, je n’en reviens pas, je ne trouve rien à dire. Ou presque, car les voiles ne me satisfont pas.
– « Dommage que les voiles soient en mauvais état » , dis-je au vendeur, un professionnel
– « Mais le reste du bateau est impeccable ! »
– « Oui, dommage quand même ! »
– « En fait, je connais la voilerie « All Purpose », si vous achetez FIDJI à notre tarif (56000 Euros), nous vous offrons des voiles neuves ! »
– « Ah oui, des bonnes voiles ? Car nous, il nous faut du « full batten », de la qualité, nous voulons partir loin ! »
– « Oui, des bonnes voiles Hydranet et Full batten seront inclus dans le prix ! »
(Le printemps suivant, je récupérerai bel et bien des voiles All Purpose toutes neuves, une grand-voile et un génois d’une valeur de 7000 Euros dont nous sommes toujours très satisfaits).
À ce moment de la négociation, Isabelle et moi, nous nous regardons et en un regard, l’affaire est entendue, nous avons trouvé notre voilier.
C’est trop tôt, mais c’est lui.
Isa s’installe alors dans le cockpit et à ceux qui veulent monter à bord elle lance :
« pas la peine de visiter, ce voilier est vendu ! »
Quelle certitude, sa détermination m’épate !
Pendant ce temps, j’ausculte le voilier de fond en comble, j’ai tellement peur de me faire avoir ! Toutes ces années où j’ai économisé chaque centime pour cet unique moment : Acheter un voilier !
Il nous faut encore appeler la banque pour faire un crédit et débloquer l’acompte nous permettant de réserver FIDJI et griller la politesse à trois couples indécis à cause d’un manque de place de port. (Un problème qui plombe le marché de l’occasion, j’ai envie d’écrire un article à ce sujet d’ailleurs).
Bombardé et harcelé par mes questions, le vendeur tient bon !
Naturellement, même après avoir pris cette décision, nous n’en restons pas là de nos questions et je vais « légèrement » harceler le vendeur et les anciens propriétaires pour absolument tout savoir sur FIDJI.
Oui, je veux tout savoir sur mon nouveau voilier.
J’observe tout, j’épluche ligne par ligne les innombrables factures conservées à bord et je passe de longs moments au téléphone avec un des anciens propriétaires, celui qui a passé 6 ans à remettre FIDJI à neuf !
Petit à petit je découvre l’histoire de ce voilier qui a vu du pays. Tu m’étonnes, il est de 2 ans mon aîné et nous devenons les 5èmes propriétaires ! Une sortie en mer est organisée, puis une expertise navire à terre. Elle confirme l’état vraiment exceptionnel de ce vieux Gin Fizz, même l’expert n’avait jamais vu ça !
Et la banque nous accorde un crédit sur 3 ans pour payer les 20000 Euros qu’il nous manque pour le moment. Tout roule !
Acheter mon voilier, un rêve qui devient réel
Depuis mes toutes premières activités professionnelles, j’économise dur pour un jour, m’acheter mon voilier et partir en voyage vers les tropiques.
J’avais 30 ans, 30000 Euros, et une grosse boule au ventre. Pas question de me faire avoir, pas question de commettre une erreur qui pourrait ruiner tant d’années de rêve en ce qui me concerne et compromettre ce grand voyage à venir avec Isabelle. Elle devient propriétaire d’un voilier à 50%, alors qu’avant de me rencontrer elle n’y aurait même pas songé…
Et je sais très bien pour l’expliquer moi-même à mes stagiaires, que l’achat d’un voilier est un rêve qui peut se transformer en cauchemar et/ou en gouffre financier !
Ma méfiance est donc au maximum à ce moment là. Tout comme l’excitation et l’envie de courir les mers, d’aller poser mon ancre dans un lagon tranquille pour y couler des jours heureux.
Donc, après avoir sérieusement enquêté sur FIDJI et pour ce tarif, je ne lui ai trouvé AUCUN point faible, ce qui me semble encore aujourd’hui assez extraordinaire.
Quant aux experts et aux copains que nous appelons pour avoir leur point de vue, comme mon pote François que vous voyez avec moi sur une photo ci dessus, ils sont unanimes :
C’est un super bateau, très bien refait et il est parfaitement adapté à nos projets…
Alors, allons-y !!!!!!!!!!!!
C’est le début de l’aventure !
Nous achetons donc Fidji mi-novembre 2007.
Dans la foulée nous le mettons au sec dans le golfe du Morbihan au chantier Le Borgne. Et quelques jours plus tard, le 28 novembre, nous nous envolons pour les Antilles comme prévu.
Ou presque, puisque dorénavant nous sommes les HEUREUX PROPRIÉTAIRES D’UN MAGNIFIQUE VOILIER !
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme
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1.3 Premier séjour aux Antilles