Formation Voile Croisière - Repères essentiels

Selon France 3 Bretagne, entre le 1er mai et le 25 septembre 2022, 3 855 opérations de secours maritimes ont été coordonnées par les CROSS Etel et Corsen, soit près de 200 opérations de plus qu’en 2021. Parmi ces opérations, 80% (3068) sont directement liées à la pratique de la plaisance et des loisirs nautiques.

En pleine saison, on dénombre jusqu’à 60 interventions par jour rien que dans le Morbihan !

Face à cette situation, la préfecture se contente d’émettre des brochures du genre « Prenez la mer, pas les risques » ou des « Appels à vigilance ».

C’est très insuffisant ! En fait, au delà de rappeler des évidences (prendre la météo, connaître les horaires de marée…) et d’écrire des fadaises comme « la mer est un milieu pouvant être très hostile », ce que la préfecture devrait dire, c’est : « Allez vous former » ! Pour une raison qui m’échappe complètement, je n’ai jamais vu le moindre conseil en ce sens de leur part. C’est pourtant évident que le problème vient de là.

Demandez à tous les professionnels du nautisme, ils sont unanimes : Le déficit de compétences, et donc de formation, est criant.

Idées reçues

Contrairement à une idée reçue, la mer est plutôt très tolérante avec ceux sortent en mer alors qu’ils ne savent pas faire un nœud, récupérer un homme à la mer ou donnez leur position dans une radio. La montagne par exemple, peut se révéler beaucoup moins tolérante.

En fait, tant que tout va bien, le manque de compétence ne saute pas au yeux.

C’est pourquoi je n’ai jamais souscrit à l’admiration pour ceux qui partent un beau jour vers le large sans avoir reçu la moindre formation. Certains y voient du courage, alors qu’il s’agit d’inconscience.

Il faut se rappeler que :

  • Ce n’est pas parce que certaines compétences ne serviront peut-être jamais qu’elles sont inutiles ! On peut citer en particulier tout ce qui touche à la sécurité (connaître et savoir utiliser le matériel, lutter contre un incendie, lancer un appel de détresse, gérer une voie d’eau, une panne de moteur, la récupération d’un homme à la mer, etc…),
  • Prendre du plaisir sur l’eau est directement lié au niveau des personnes qui encadrent, car plus ils sont compétents, plus ils font baisser le niveau de stress et améliorent l’ambiance à bord (étant entendu que le but, en plaisance, est d’abord de prendre du plaisir).

Besoin de repères

La première chose, c’est d’avoir DES REPÈRES.

En effet, il faut pouvoir s’autoévaluer de façon objective et honnête. Et pour pouvoir le faire, il faut des repères.

Qu’est-ce que je dois absolument savoir, quelles sont les compétences indispensables ?

Bien sûr, il y a toujours une part de subjectivité, certains vont considérer certaines choses indispensables, d’autres pas. Mais il y a quand même un grand nombre d’éléments sur lesquels tout le monde est d’accord, et que toute personne normalement constituée trouvera importante à savoir avant de partir en mer.

Il est donc possible d’en faire la liste !

Chacun peut alors s’y référer, cocher ce qu’il sait déjà et mettre l’accent sur ce qu’il aimerait bien savoir, comprendre, savoir faire. Il peut ainsi s’autoévaluer et déterminer lui-même ses besoins, ce sont les repères.

Cette liste de repères, je l’ai conçue spécifiquement pour nos formations la voile croisière. Divisée en cinq niveaux, elle sert de trame lors de nos stages de voile. Et parce que je crois sincèrement en son utilité, pour tous, je la propose en accès libre sur cette page : Stages de voile croisière sur 5 niveaux

Choisir sa formation

Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas (encore) de « permis voile » en France qu’il n’existe pas de multiples façons de se former.

Pour acquérir des compétences, il y a bien sûr les écoles de voile ! N’hésitez pas à vous payer un stage de qualité, car quel est le prix de la sécurité, du plaisir, de la confiance, du calme, de la décontraction, de l’autonomie ?

En fait, naviguer plus sereinement, cela n’a juste pas de prix, pour gagner en sécurité, en autonomie et en plaisir, il faut prendre le temps d’apprendre ! Certains continuent de penser que l’on peut le faire seul, ou dans les livres. Ce n’est pas mon avis : Il faut de la pratique concrète et un (bon) moniteur qui explique les choses de façon progressive, organisée et calme.

Être bien orienté et conseillé est essentiel.

En tout cas, d’une manière générale, être ouvert d’esprit, curieux, avoir envie d’apprendre et vouloir comprendre est la voie pour prendre toujours plus de plaisir sur un voilier.

La formation professionnelle

Pour devenir un professionnel de la voile, il y a deux voies à explorer, la voie plaisance (dans le cadre du sport, de l’animation, de l’encadrement ou de l’enseignement), ou la voie qualifiée de « professionnelle » (dans le cadre maritime – le transport de passagers).

À noter que la voie plaisance offre bien sûr de belles carrières avec les diplômes d’État et n’a rien de moins « professionnelle » que l’autre, mais c’est ainsi qu’on les appelle. Et pour un passionné, rien n’empêche de choisir les deux voies (comme je l’ai fait).

Les formations permettant d’obtenir les diplômes / brevets correspondant demandent un véritables engagement avec des mois, parfois des années de formation présentielles à plein temps souvent assez exigeantes. Sans oublier qu’elles peuvent coûter chères s’il faut les payer de sa poche.

Pour se lancer dans ces cursus, il faut avant tout vouloir faire de la voile son métier.

Si vous en avez l’opportunité, n’hésitez pas, car il y a énormément de choses à apprendre lors de ces formations professionnelles. De plus, il existe des solutions pour se faire aider financièrement, dans le cadre d’une reconversion professionnelle par exemple.

À savoir qu’il existe également des certifications étrangères (le Yachtmaster en particulier), mais si vous voulez travailler dans le domaine, faîtes très attention aux fausses promesses d’équivalence.

Au delà de cela, les formations spécifiques voile – croisière, étrangères ou non, peuvent aussi être très intéressantes, car mieux adaptées à ce que certains recherchent en terme contenu. Mais notez que si les diplômes ne sont pas reconnus, il ne sera pas possible de se faire financer ces formations.

La formation en école de voile

S’il s’agit d’apprendre à naviguer pour votre plaisir ou vos projets de navigation voire de voyage, vous trouverez plutôt votre bonheur dans les «écoles de voile», «école de croisière» ou autres «école de voile habitable».

Isabelle et moi-même avec Mata’i Nautisme faisons partie de cette catégorie. Tapez «école de voile croisière» dans votre moteur de recherche préféré pour avoir une idée des offres près de chez vous. Mais comment distinguer les offres les unes des autres et comment les comparer ?

En ce qui nous concerne, nous avons une particularité rare pour une école de voile : Nous sommes deux encadrants à bord. Cela permet une grande disponibilité, de ne pas perdre de temps dans la gestion des courses et de manger super bien pendant le stage (un point crucial pour la réussite d’une croisière).

Mais vous trouverez des offres variées de la part de skippers, coachs ou moniteurs privés, ainsi que parfois des offres dans le domaine associatif dont les encadrants sont bénévoles. Le prix des stages peut y être assez bas, mais l’encadrement et le travail réalisé par un bénévole en formation ou en vacances ne peut en aucun cas être comparé à celui d’un professionnel expérimenté : Cela explique les écarts de prix.

Tout comme le type de voilier et le nombre de stagiaires à bord…

Il faut donc bien s’informer avant de choisir, et garder en tête que les termes « skipper » ou « moniteur » ne sont pas la garantie d’avoir affaire à un professionnel, la seule garantie étant le BREVET D’ÉTAT, la carte professionnelle et l’assurance RC Pro, des éléments légalement obligatoires pour pouvoir encadrer du public, qui doivent être publiquement affichés.

Il en va de même pour le label FFV (Fédération Française de Voile), qui ne garantit rien non plus.

Vous expliquer pourquoi serait trop long ici, mais sachez qu’il existe pour l’encadrement de stages de voile :

  • Des diplômes dit « Fédéraux » (AMV (Assistant Moniteur de Voile), Moniteur FFV, Entraineur FFV…),
  • Des diplômes d’État (BEES, BPJEPS, DEJEPS)

Le niveau de ces diplômes est complètement différent. Un diplôme fédéral étant essentiellement imaginé pour l’emploi saisonnier et sous la responsabilité d’un moniteur diplômé d’État. La distinction étant de taille et peu connue des néophytes, il convenait de la rappeler ici.

En tout cas, à l’époque des réseaux sociaux, l’avis des anciens stagiaires est un moyen pratique pour faire son choix parmi les offres variées du milieu de la formation voile.

Les permis plaisance : Permis côtier et permis hauturier

Obligatoire en France pour prendre la responsabilité d’un bateau à moteur d’une puissance de plus de 4,5kw (6 chevaux), ces formations sont intéressantes.

En effet, il est évident qu’il vaut mieux naviguer en connaissant le balisage, les règles de barre, les signaux de détresse, les signaux et feux des navires. Ou grâce à l’extension hauturière (le permis hauturier), en sachant tracer une route sur une carte marine.

Cela dit, et ce sont les personnes ayant suivi ces formations qui le disent, cela semble souvent insuffisant. Pourtant, le référentiel de ces formations est particulièrement intéressant. Vous le constaterez en parcourant le résumé que je vous ai préparé et que j’inclus ci-dessous.

Alors d’où vient le problème ?

Tout d’abord du fait que l‘administration a souhaité se désengager des examens pratiques. Depuis 2008, elle a confié aux centres de formation agréés le soin d’être à la fois formateur et examinateur. C’est à mon avis une erreur.

La deuxième erreur, c’est que pour transmettre le programme que vous allez découvrir ci-dessous, et qui s’adresse donc à un public de novice, la loi impose :

  • 5 heures de formation théorique validées par un test QCM (40 questions – 5 fautes)
  • 1h30 de formation pratique à terre
  • 2 heures par personne de pratique sur l’eau (les acquis étant validés par le formateur lui-même).

Et c’est tout.

Dans ces conditions, avec des permis obtenus parfois en un week-end, il n’y a rien d’étonnant au fait que les candidats restent sur leur faim.

Pour transmettre correctement le référentiel officiel, il faudrait à mon avis à minima 15 heures de formation au total, c’est à dire le double de ce qui est prévu.

L’argument principal des partisans d’une formation « light » est connu : Ils considèrent qu’être « exigent » est un frein à la pratique des activités nautiques. Ils trouvent cela très bien que l’on puisse passer un permis en un weekend.

Passer son permis a donc du sens, mais ne vous attendez pas à des miracles. Et dans la mesure du possible, cherchez un centre de formation vous proposant plus d’heures de formation que le minimum légal, même si, c’est évident le coût de la formation est supérieur.

En tout cas, si vous voulez savoir comment cela se passe, et plus précisément ce que l’on trouve dans le référentiel du permis côtier, je vous invite à lire cet article : Programme de formation du Permis Côtier.

Les autres solutions pour se former

Naviguer avec un ami ou un proche permet évidemment d’apprendre beaucoup de choses si le chef de bord en question est compétent, suffisamment ouvert et partage facilement son savoir.

Participer à des rallyes en tant qu’équipier est également une solution pour naviguer. Il y a de multiples «bourses aux équipiers» sur internet pour rejoindre des équipages, pour de la régate ou de la croisière. Y compris à l’autre bout du monde.

Le hic c’est bien sûr que n’étant pas un « client », on n’a pas à exiger un quelconque résultat. Et si après quelques jours de mer on a l’impression de ne pas avoir vraiment progressé c’est donc assez normal.

Sport ou croisière : performance ou confort

Comme il n’y a pas de permis voile, il n’y a pas non plus de liste officielle de compétences qui pourrait guider les plaisanciers dans leur démarche d’apprentissage.

De plus, dans le cadre de la plaisance, la voile est beaucoup vue sous le prisme de la performance sportive.

En effet, la Fédération Française de Voile se concentre essentiellement sur :

  • Le sport, la performance, la compétition
  • La formation des encadrants voile
  • L’encadrement des jeunes

Et le voyage ? Et la vie à bord d’un voilier ? Et la croisière ?

Oui, la voile se pratique de 1000 façons, à tout âge, à la recherche de liberté, de grands espaces et d’autonomie…Les pratiquants n’ont pas forcément tous envie de battre des records. C’est d’ailleurs le principe de la croisière où le confort joue un rôle non négligeable et s’oppose par définition à la recherche de performance.

Attention, je n’ai absolument rien contre la régate, le sport ou la compétition ! Au contraire je considère cette façon d’apprendre la voile comme excellente !

Mais il convient de ne pas laisser de côté toute une facette orientée croisière et voyage, un peu plus loin de la recherche de performance mais un peu plus près de la recherche de l’autonomie et du plaisir sur un croiseur.

Je pense que couper une ligne de départ au top, tribord amure, du bon coté et lancé à pleine vitesse au près, c’est génial. Mais ce n’est pas de la croisière, c’est du sport, et cela ne correspond pas aux attentes de nombre de plaisanciers.

En tout cas, rien n’empêche d’apprécier plusieurs façons de naviguer.

Et après ?

Être au top et tout savoir, est-ce possible ?

En fait, la voile est une activité aux multiples facettes, car elle rencontre et croise des sujets et domaines de compétences pointus extrêmement variés.

Autant d’éléments qui la rendent encore plus riche et passionnante. Ce sont ces croisements qui font que nous trouvons toujours des choses à apprendre, toujours des ressources pour nous étonner.

C’est aussi pourquoi on ne s’ennuie jamais. S’il n’y avait pas ces éléments supplémentaires autour de la voile, nous finirions peut-être par nous lasser. Je veux donc en évoquer quelques-uns, toujours de façon non exhaustive bien sûr :

Le voyage et la vie à bord

Partir à l’aventure, larguer les amarres et arriver quelque part, découvrir des nouvelles terres et cultures…Personnellement, c’est encore aujourd’hui une de mes motivations premières.

Il y a aussi la vie à bord que j’aime particulièrement, la quiétude d’un mouillage calme où l’on peut s’éterniser, le bonheur des navigations de rêve que ce soit au large, en navigation côtière ou dans les lagons (pour d’autres ce sera dans les glaces, chacun son truc). La passion voile prend pour moi souvent les couleurs de la passion voyage, et les deux s’assemblent parfaitement, je vous le garantis ! Et par ailleurs en ce qui me concerne, c’est particulièrement vrai sous les tropiques !

La nature

Que l’on s’intéresse à la faune ou la flore, à la météo ou au climat, au ciel, aux étoiles, à la géologie, la biologie ou à la géographie, quelle immense source la nature offre autour de nous !

Par exemple, nous connaissons un couple passionné par les animaux marins, ils en ont fait leur vie, en Polynésie ! Aujourd’hui, après de nombreuses années d’observation, ils connaissent bien les baleines et appellent les dauphins de Rangiroa par leur prénom ! Ils sont un exemple parfait de ce que j’évoque quand je parle d’une passion qui va au-delà de la voile elle-même.

Dans leur cas, la voile n’est pas une finalité, mais plutôt un moyen. En tout cas l’océan est loin d’avoir révélé tous ses secrets !

La technique

Il suffit de regarder les voiliers modernes pour comprendre à quel point notre secteur est un foisonnement d’innovations plus passionnantes les unes que les autres. Les aspects techniques de la voile sont le moteur de beaucoup de passionnés. L’envie de faire toujours mieux, moins lourd, plus solide, plus rapide, moins cher, plus fiable est puissante et belle.

Des voiles fabriquées d’une seule pièce dans un moule en 3D, n’est-ce pas formidable ? En effet, les fibres d’un tissu orientées précisément dans le sens des efforts assurera une bien plus grande résistance et longévité à la voile…

Bientôt nos voiliers seront systématiquement équipés de moteurs électriques, au rendement tellement supérieur aux moteurs thermiques !

Une autre innovation qui explose en ce moment : le foil, qui fait carrément voler nos bateaux !

Car d’une manière générale, la mécanique des fluides, la glisse dans l’air comme dans l’eau, le fonctionnement d’une quille, d’un foil, d’une voile, etc…Voilà un thème vraiment passionnant !

Un de plus !

La régate

Un intérêt supplémentaire à ne pas oublier qui est liée à cette passion pour l’innovation et pour la technique, mais aussi pour le jeu : la Régate !

Et les extraordinaires records battus encore récemment…Des tours du monde à la voile en moins de 40 jours, à près de 30 nœuds de moyenne, ce n’est pas hallucinant ça ?

Bref, derrière l’apprentissage de la voile il y a souvent des passions et des rêves plus que subsidiaires, comme par exemple (c’était mon cas), l’envie furieuse et tenace d’aller faire de la planche à voile dans les atolls de Polynésie…

Conclusion

Faire de la voile…Quelle bonne idée !

Car c’est une source sans fin de plaisir, d’évasion et d’épanouissement. Se former et continuer à apprendre, c’est encore mieux, pour notre sécurité et celle de ceux que l’on emmène en mer, mais aussi pour prendre toujours plus de plaisir !

Je vais finir sur deux citations que j’aime particulièrement :

Tout d’abord, Ellen Mac Arthur :

« La voile, c’est partir sur l’eau prendre contact avec la nature sous un autre angle, découvrir un sentiment de liberté et si tout va bien la satisfaction de réussir ce que l’on entreprend. La voile peut nous enseigner de nombreuses expériences de vie, le travail en équipe, la détermination face à l’adversité, l’engagement et, plus que tout, la confiance dans les choix que nous avons faits. »

Et pour finir, Sénèque :

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on ose pas, c’est parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles. »

Bon vent et à bientôt !

Patrick Belliot