Fin de séjour au Portugal
Malgré nos angoisses liées à cette histoire de maison et aux soucis qui vont en découler, nous apprécions beaucoup la côte d’Algarve ! En particulier ses falaises et tout ce qu’elles recèlent d’époustouflant. Les couleurs, les formes, les grottes, les criques aux petites plages intimes et où il nous semble être seul au monde. Là, le temps s’arrête, la contemplation nous incite au silence, nos yeux et nos sens se laissent porter par la beauté du lieu. Ce qui s’offre à nous dans de tels décors nous donne la force de prendre la décision de continuer l’aventure.
(Si vous avez raté l’article précédent : 2.2 Croisière en voilier au Portugal !)
Une nouvelle leçon
Lorsque l’on voit comment la nature se modèle tout en résistant aux éléments parfois d’une extrême violence, on se dit que ce qui nous arrive va aussi nous modeler et nous aider à grandir, à devenir encore plus fort et plus sage.
Assis sur le sable d’une petit crique, entourés de falaises dressées là comme des remparts de protection, où la mer vient nous caresser le bout des orteils avec une infinie douceur, comme pour ne pas déranger notre méditation, nous pourrions penser qu’il en a été toujours ainsi. Mais ce serait oublier les coups de vent puissants, les tempêtes aux vagues fracassantes qui ont façonné ce paysage. Nous vivons dans notre cœur une forte tempête, terrible même dans cet instant. Mais nous savons que le soleil va se lever à nouveau et que nous allons, avec la force de notre amour de la vie, notre envie d’aventure, notre amour qui nous lie si fort, soulever les montagnes qui oseraient barrer notre route.
Nous quittons le continent européen
Nous quittons donc Lagos et la côte d’Algarve le 16 octobre, en y laissant un petit bout de notre cœur. L’endroit est si beau et les portugais si gentils !
Peut-être un jour, y reviendrons-nous pour y rester plus longtemps et ensuite naviguer vers les îles de Madère et de Porto Santo, car aujourd’hui elles ne sont plus au programme. Annulé. Comme l’aller-retour d’Isabelle à La Rochelle en avion. Idem pour l’Andalousie que nous n’avons plus les moyens de visiter.
Les vacances sont abrégées, nous décidons de nous rendre rapidement aux Antilles afin de reprendre notre activité de skipper – hôtesse et de renflouer les caisses. Nous travaillerons jusqu’à ce que la maison soit vendue voilà tout.
Cap sur les Canaries !
La route des Antilles passe évidemment par cet archipel composé de 8 îles principales toutes plus belles les unes que les autres : La Graciosa, Lanzarotte, Fuerteventura, Gran Canaria, Tenerife, La Gomera, La Palma et El Hierro.
Le vent y vient plus ou moins du nord, ce qui fait que nous allons en choisir quelques-unes et les visiter dans le bon sens. La première, c’est La Graciosa. La traversée depuis le Portugal prend 4 à 5 jours environ puisque nous avons 550 Miles Nautiques à parcourir, ce qui fait presque pile 1000 km.
Le meilleur moyen pour arrêter de fumer
Cette traversée de 5 jours restera gravée dans ma mémoire. Car le 17 octobre 2008 à midi, alors que nous sommes au large du Maroc, j’ai écrasé ma dernière cigarette ! Bye bye addiction, bye bye tabac de merde ! Je sais que c’est ma dernière car en fait, il n’y a plus de tabac à bord de FIDJI ! Plus une miette, nada, même en retournant le paquet et en le secouant très fort, il est bel et bien vide. Et je n’en ai pas racheté. Je savais que ce serait une solution radicalement efficace.
Au début j’ai eu un peu de mal, j’ai bien essayé de me rouler une clope d’herbes de Provence, mais ce n’était pas terrible, vous vous en doutez. Une chose est sûre également, je ne trouverai pas de bureau de tabac avant au moins 10 à 15 jours, puisque nous voulons nous arrêter à La Graciosa et à Lanzarotte où j’ai bien l’intention de faire de la planche.
Il faut ici que je rende hommage et que je fasse la promotion du livre d’Allen Carr, « La méthode simple pour en finir avec la cigarette ». (Vous remarquerez les notes exceptionnelles attribuées à ce bouquin). Il m’a fallu du temps, mais ce livre est vraiment d’une grande aide pour ceux qui veulent arrêter le tabac dans la joie et la bonne humeur. Car ce n’est pas vraiment une simple affaire de volonté. C’est surtout un déclic dans nos petites têtes qui permet de passer de l’étape « j’aime trop ça pour m’en priver, la vie est trop courte pour se priver » à « En toute honnêteté et franchement, c’est inutile, ça pue, je n’en ai pas besoin, et c’est une aliénation ridicule qui me détruit de l’intérieur ».
Le fait est que l’élément addictif du tabac, la nicotine, quitte le corps très rapidement, entre 24 et 48 heures, sans générer de gros symptômes de manque, contrairement à l’alcool. Il est donc évident que c’est dans le tête que ça se passe, il faut avant tout se convaincre une fois pour toute que ça n’est pas un plaisir de fumer. Que le plaisir ressenti est en fait la satisfaction d’un manque dont il est facile de se délivrer physiquement.
Bref, ce livre a été pour moi d’un grand secours psychologique. Je n’ai plus jamais touché à une clope et n’en ressent plus aucune envie. Quelle joie de se sentir définitivement libéré ! Arrêter de fumer et en éprouver du plaisir est une grande victoire dont je suis particulièrement fier et heureux. Merci Allen Carr ! Et merci à ma femme de m’avoir supporté dans cette phase délicate !
Lever de soleil sur la mer Africaine
Un matin, deux jours après notre départ au lever du soleil et alors que nous sommes au large des côtes africaines, je prends mon tour de repos. C’est à ce moment qu’Isa assiste à un spectacle éblouissant. Voici ce qu’elle écrit dans son journal :
« Samedi 18 octobre : je quitte le couchage pour border la grand-voile qui se balance bruyamment faute de vent, il est environ 7h30, le jour se lève. Et là miracle devant mes yeux : à l’horizon une masse compacte de nuages de faible altitude semblent dessiner des reliefs terrestres. En levant les yeux, des voiles de nuages tissés de gouttelettes occultent avec légèreté le bleu du ciel encore un peu endormi. La lune brille de joie d’être du spectacle ! C’est alors que de ses rayons colorés, le soleil s’essaie dans une œuvre grandiose. Timidement, pour commencer, il teinte les voiles de rose. Devant lui les masses nuageuses deviennent orange, dorées à souhait. En s’étirant de nouveau dans son ascension il se lâche sublimement : tous les dégradés de l’or au rose pâle, en passant par le rouge orangé et le violet pastel, toutes ces couleurs organisées au bout de chacun de ses rayons transforment le ciel en un tableau incandescent.
Chaque nuage a droit à sa teinte personnelle, comme si chacun avait le droit d’exister à part entière. J’ai tourné sur moi-même pendant tout le spectacle ne voulant perdre un seul effet, une seule couleur.
Et puis je regarde dans la direction du ‘’Maître de cérémonie’’, je le vois s’élever peu à peu dorant la cime des nuages qui le gardent encore à l’abri de mes yeux.
Je me suis dit :’’ il va apparaître et saluer son public et toutes les gouttes d’eau lui ayant servi de toile vont applaudir, et moi aussi !’’ Mais les nuages ont décidé de le garder encore un peu. Peu importe, j’étais là et j’ai vu ! Je me suis régalée d’un spectacle inoubliable et pendant cet instant magique mon âme était en paix…
Merci ! »
Une chute, un œuf de pigeon et un cocard
Le vent est assez faiblard, nous avançons souvent sous spi. Nous pêchons une jolie petite daurade que nous appellerons dorénavant la « daurade portion » puisqu’elle s’avère idéale pour deux personnes. (Il ne faut pas confondre la daurade avec la dorade « coryphène »).
En tout cas, en fin d’après-midi, parce que nous ne voulons pas pêcher de nuit, Isa relève la ligne de traîne debout sur la cabine arrière, ce qu’elle ne fera plus jamais.
Car c’est là qu’elle nous fait une cascade exceptionnelle ! Le roof de la cabine arrière est ouvert, elle recule, met un pied dans le vide et patatras ! Dans sa chute, sa tête heurte violement le rebord du roof de la cabine arrière. C’est son front, juste au-dessus de l’arcade sourcilière qui prend. Elle se retrouve dans la cabine complètement groggy.
Sur son front apparait très vite une incroyable bosse bleue horrible et grosse comme un œuf de pigeon. Vite, un gros paquet d’argile verte en cataplasme, (heureusement, elle était prête), et de l’arnica en granules. J’opère une veille attentive pour surveiller une éventuelle perte de connaissance.
Elle reste sonnée pendant une bonne heure, mais ne perd pas conscience. Par la suite un magnifique œil au beurre noir se développe, mais l’argile a fait son œuvre, l’œuf n’a pas explosé et a disparu en une heure à peine. C’est une nouvelle leçon de vie, la santé vaut tout l’or du monde et un accident grave peut très vite arriver.
J’ai vraiment eu peur et j’étais prêt à appeler à l’aide. Dans ce genre de circonstances, on comprend d’autant plus à quel point c’est important d’avoir de bons moyens de communication pour le large. Pour moi il y a une règle : toujours être en mesure d’appeler la terre à l’aide, où que l’on soit, y compris au milieu de l’océan.
Ci dessous, Isa et son superbe cocard…
L’océan change peu à peu de couleur
Nous avançons toujours plus vers le sud, nous passons sous la latitude 30°N. L’océan, au fil des miles qui défilent, devient d’un bleu de plus en plus limpide et profond, d’un bleu saphir, et les calmes nous permettent quelques baignades inoubliables !
Nous naviguons sous spi en nous relayant à la barre, nous apprécions chaque jour d’avantage les qualités de FIDJI, nous apprécions chaque jour d’avantage notre complicité grandissante.
Une famille de dauphins, papa, maman et le petit, bagué d’ailleurs, viennent jouer avec notre vague d’étrave. Moment intense de bonheur où nos visages resplendissent de joie. Cadeau de l’océan, cadeau de la vie marine. Quelques gros globicéphales (mini-baleines) croisent aussi notre route mais sont beaucoup moins joueurs et se contentent juste de jeter un regard vers nous.
Arrivée matinale aux Canaries
Nous arrivons près de l’île de la Graciosa en pleine nuit, nous mettons donc le voilier à la cape afin d’attendre le lever du jour.
Notre arrivée entre Graciosa et Lanzarotte est d’autant plus magique qu’elle est synchronisée avec le lever du soleil…Nous croisons une belle tortue, la première depuis notre départ. Nous sommes heureux !
À bâbord, les impressionnantes et abruptes falaises Famara de Lanzarote, qui culminent à 671 mètres ! Et à tribord, La Graciosa, petite île de 6 km de long, à la terre rouge et dotée de quelques minis volcans d’environ 300m de haut, sans autre végétation que de petits buissons. Cela me fait un peu penser à un paysage martien.
Nous jetons l’ancre dans une petite baie au sud de La Graciosa. Avant toute nouvelle activité, nous nous asseyons sur le pont et admirons notre nouvel environnement. C’est une sensation incroyable de voyager comme ça en voilier. Nous avons complètement changé de décor, nous avons rejoint un autre monde. Tout est différent. Difficile d’expliquer pourquoi cette sensation est si différente d’une arrivée en avion. Peut-être que c’est le fait que l’imprégnation au nouvel environnement soit plus progressif. Ou alors c’est la satisfaction d’avoir effectué le voyage par ses propres moyens avec le vent. Bref, nous ressentons des choses fortes et, pour moi qui ai toujours rêvé de voyager en voilier, avoir quitté le continent pour arriver dans un archipel, c’est une bonne partie du rêve qui se réalise. Et je ne suis pas déçu ! C’est beau beau beau !
Et c’est un endroit idéal pour gréer ma planche. Pour la première fois, je vais vivre ici ce que je dessine depuis l’adolescence sur tous mes cahiers : Mon voilier au mouillage près d’une île au soleil et moi en train de faire de la planche à coté ! HA LE PIED ! Et en plus il y a du vent !
Cette première session de planche depuis FIDJI reste mémorable car le paysage est impressionnant. Et j’ai battu facilement mon record de vitesse ! Le tout ponctué du petit plus : la pause bibine sur le bateau (sans cigarette) …OUAAH, comme dans mes rêves !
Ci dessous, les falaises de Famara sur Lanzarote, vues depuis la Graciosa.
Quelques touristes tout de même
Surprise : alors que nous partageons ce mouillage très tranquille avec une vingtaine d’autres voiliers, dans ce décor de bout du monde, arrive un bateau de touristes.
En l’espace de quelques instants la plage se couvre d’êtres humains. Un iceberg gonflable est pris d’assaut, ainsi que les canoës déposés quelques minutes avant. Ça crie, ça cuit, ça éclabousse, puis soudain tout le monde disparait. L’activité plage est terminée. Combien de temps cette ruée a-t-elle durée ?! En fait on n’en sait rien. Le temps imparti à cette activité… de tourisme de masse. Nous restons un peu éberlués, nous demandant si on n’a pas rêvé car au final, Graciosa retrouve tout son calme.
Nous partons à notre tour gambader dans ses rues aux maisons blanches typiques du nord de l’Afrique. C’est très joli mais très sec et la végétation pour se défendre développe une forte floraison. Ainsi il y aura des graines, ainsi la vie continuera. Nous sortons un peu des sentiers prévus pour les touristes pour regarder plus loin. Derrière ce décor « idyllique », nous découvrons un peu caché derrière les dunes, le village des locaux. D’un côté le village pour les touristes, magnifique, de l’autre le village des locaux et des ouvriers. Les deux n’ont rien à voir, et cela rappel un peu un parc d’attraction.
Nous restons 3 nuits au mouillage à cet endroit, la « Playa Francesa » (ça tombe bien), ce qui nous permet de nous reposer. Nous sommes heureux de vivre pleinement des moments forts comme celui là. Notre détermination à être heureux nous apporte beaucoup de soulagement. C’est une sagesse à développer. Ça n’empêche pas les coups de blues mais ça les atténue fortement.
Prochaine escale, Lanzarote
Tout au sud de Lanzarote, j’ai repéré une marina où nous pourrons communiquer avec nos proches, refaire les pleins d‘eau et un peu de technique. Antoine le régulateur d’allure demande quelques attentions, son rôle est précieux alors nous le bichonnons. Quelques courses ainsi qu’une lessive sont aussi à prévoir. Nous levons l’ancre. Ci-dessous, un village insolite sur la côte de Lanzarote et le mouillage de La Graciosa.
En route, Isa prend la barre avec plaisir. Elle progresse, elle progresse. Le vent est bon et nous filons vers le sud et la marina Rubicon. Vent de travers, nous nous prenons au jeu de la régate avec deux autres voiliers qui suivent le même cap et vont apparemment au même endroit que nous. Doudou et Citron, nos mascottes, sont tout excités, FIDJI fait des pointes à plus de 8 nœuds !
Marina de Rubicon et Playa Blanca, Lanzarote
Nous ne restons pas longtemps dans la marina, trop chère avec un accès Wifi payant, et dans notre situation actuelle, ce ne serait pas très raisonnable. Nous y passons quand même quelques jours, le temps de prendre des nouvelles et de faire ce que nous avons à faire.
Puis nous retournons au mouillage. Nous trouvons d’ailleurs une chouette petite plage à proximité, la « Playa Mujeres ». Derrière la plage, c’est vraiment dingue, on se croirait sur une autre planète.
En nous promenant dans Lanzarote, en particulier à Playa Blanca, force est de constater qu’elle est entièrement tournée vers le tourisme. Les locaux ne sont plus chez eux, en revanche les promoteurs sont partout. Nous rencontrons plus d’allemands que d’espagnols et tous les petits commerces de souvenirs nous font penser aux marchands du temple des Évangiles. Le dieu touriste est vénéré. Les Canaries nous apparaissent comme des îles aux incroyables contrastes.
Il est certain qu’en passant si peu de temps ici et avec peu de moyen nous ne savons pas grand-chose de l’organisation politique, écologique et économique. Pour apprécier à sa juste valeur Lanzarotte, il faut prendre le temps d’en faire le tour en prenant les chemins buissonniers. Malheureusement, nous n’avons pas les moyens de jouer les touristes sur toutes les îles des Canaries, et nous avons donc décidé de garder nos sous pour les deux que nous avons sélectionnées : Tenerife et La Gomera.
Lanzarote, encore un endroit où il nous faudra revenir. Le 4 novembre, nous quittons Lanzarote : Cap sur Tenerife !
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme
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