Quelle magnifique photo de FIDJI avec son mouillage n’est-ce pas ?

Mouiller - Jeter l'ancre

Son mouillage, c’est une ancre, de la chaine, qui la maintient à l’horizontale sur le fond, et un câblot, ou plutôt une aussière, qui de son côté va donner de l’élasticité au mouillage.

Notez que j’ai réalisé une vidéo sur Youtube sur ce sujet, donc si vous préférez la vidéo à la lecture, n’hésitez pas à la visionner, c’est ci-dessous :

Choisir une zone de mouillage

Le terme « mouillage » n’est pas seulement utilisé pour décrire le matériel, mais également l’endroit, l’emplacement où nous allons venir jeter l’ancre.

Un bon mouillage est abrité

Et donc, un bon mouillage, c’est un endroit à la fois abrité de la houle, qui vient du large, du clapot, c’est à dire, des vagues générées par le vent sur le moment et sur place, et éventuellement du vent.

Je dis éventuellement parce que dans certains endroits, comme celui que vous voyez ci-dessous, le lagon nous abrite bien de la houle du large, la proximité de la barrière de corail nous abrite bien du clapot, mais nous sommes complètement exposés au vent. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’être un bon mouillage, tant que le vent ne tourne pas.

Au mouillage en Nouvelle Calédonie

Un bon mouillage n'est pas trop profond

Un bon mouillage, c’est aussi un mouillage qui n’est pas trop profond. Pour un navire de moins de 25 mètres, il faut une profondeur de 20 à 25 mètres maximum. Avec mon voilier de 12 mètres, il m’est arrivé quelques fois de mouiller à certains endroits bien profonds, comme par exemple à Tapuamu sous le vent de l’île de Tahaa en Polynésie Française, où je mouillais sur une profondeur de 25 mètres.

Je n’aime pas ça, et je ne le fais que si je n’ai pas d’autre option. Là, j’y vais parce que je connais bien, que nous y sommes très abrités du vent, et que je sais où trouver de la vase au fond.

Mais c’est clair que je n’aime pas ça. D’abord parce que si l’ancre devait rester coincer, il me serait impossible de la décoincer en apnée. Et d’ailleurs même équipé de matériel de plongée, 25 mètres ça commence à compter, surtout quand on n’est pas plongeur.

Deuxièmement, remonter 25 mètres de chaine demande beaucoup de puissance, surtout s’il y a un peu de vent. Un bon guindeau électrique peut le faire, mais il est alors très sollicité, et certains guindeaux un peu faiblards n’y arriveront tout simplement pas. En tout cas, s’il n’y arrive pas, s’il disjoncte ou s’il tombe carrément en panne, remonter l’ancre manuellement sur une telle profondeur est compliqué, voire impossible si on n’a pas le bon équipement, alors que cela ne pose pas vraiment de problème dans des eaux moins profondes.

À noter que pour mouiller profond, il faut évidemment un mouillage suffisamment long. Pour avoir 3 fois la profondeur sur un mouillage de 25 ou 30 mètres, il faut environ 90 mètres de ligne de mouillage, ce qui pèse lourd à l’avant d’un bateau. Rares sont ceux qui s’équipent avec des mouillages aussi longs.

Profondeur à Tapuamu

Bref, pour des bateaux de moins de 25 mètres, un bon mouillage n’est pas trop profond, disons, entre 3 et 15 mètres. Et attention à la marée, la longueur du mouillage doit évidemment être adaptée à la profondeur à marée haute !

Un bon mouillage est libre d'obstacles et de déchets

Bien sûr, dans un bon mouillage, il faut pouvoir relever l’ancre facilement même si le bateau a fait un ou plusieurs tours autour de son ancre pendant la nuit. Le mouillage doit donc être libre de roches, de corail, d’épaves quelconques, d’algues géantes, ou de déchets, pneus, sacs poubelles, ou autres vieilles ancres comme cette antiquité dans laquelle nous avons crocheté à Nouméa, et que notre guindeau tout neuf a heureusement réussi, avec beaucoup de peine, à remonter avec notre mouillage, malgré son poids qui devait bien faire 100 kilos !

Si le guindeau n’avait pas réussi, j’aurais vraisemblablement coupé ma chaine et abandonné mon ancre sur place, cet endroit étant infesté de requins tigres et bouledogues, et les accidents s’étant succédés, je n’y serais pas allé. Raison pour laquelle j’ai toujours au moins deux ancres à bord, et c’est aussi pourquoi les modèles d’ancre dans lesquels j’investis ne sont pas les plus chers.

Cette baie, la baie de l’Orphelinat, fut un bon mouillage. Mais elle est dorénavant envahie de corps-morts privés à la solidité douteuse dont une bonne partie repose au fond. Ils sont pirates, dans la mesure où chacun installe et entretient (ou n’entretient pas) son propre matériel de façon anarchique. C’est comme ça à Nouméa. En tout cas, à cause de ces déchets qui reposent au fond, y jeter l’ancre est devenu très risqué.

Bref, un bon mouillage permet de lever l’ancre facilement.

Le fond d'un bon mouillage permet aux ancres de bien s'enfouir

Bien sûr, le fond doit également permettre à l’ancre de s’enfoncer et d’accrocher. Il existe des fonds calcaires trop durs ou des sables trop fins pour offrir une véritable accroche.

Il en va de même avec les algues ou autres herbiers, qui mettent en échec les meilleures ancres du monde !

En Australie du sud, ils ont même conçu une ancre très particulière, que vous voyez ici, spécialement pour les immenses herbiers qu’ils ont là-bas.

Ancre spéciale en Australie du sud

Je vous explique plus loin comment vérifier que le mouillage tient.

Un mot au sujet du corail

Le corail est vivant. Il met des centaines, voire des milliers d’années à se développer, il ne faut pas l’assimiler à une roche inerte.

Un bloc de corail joue un rôle fondamental, celui d’abri, de nurserie, il permet aux petits poissons, ainsi qu’aux juvéniles des gros poissons de se cacher de leurs prédateurs alors qu’ils sont des proies faciles.

La destruction du corail est donc une catastrophe pour la vie marine, il faut le respecter. Jeter l’ancre dans le corail est à éviter absolument, sauf urgence bien entendu.

Il faut encourager les autorités à installer des corps morts, car ces installations sont bien moins destructrices. Heureusement, cela se fait de plus en plus, avec du matériel comme les ancres à visses, ou « hélicoïdales » avec une ligne installée de façon à ne pas frotter sur le fond.

Un bon mouillage ne l'est rarement tout le temps

Pour finir, je dois encore préciser une chose. Comme pour la notion d’abri utilisé dans la règlementation, un même mouillage peut être excellent, ou très mauvais en fonction des conditions.

Par exemple, vous voyez ci-dessous un bon mouillage par vent d’ouest ou de sud-ouest à Belle Ile.

Au top, bien abrité.

Bon mouillage à Belle Ile

Mais ce mouillage ne sera pas bien du tout par vent de nord, de nord-est ou d’est, ça peut même être la catastrophe si le vent tourne en pleine nuit alors qu’on ne s’y attend pas.

Avant d’y passer la nuit, il y a plutôt intérêt à prendre la météo pour ne pas se faire surprendre !

Préparer, mouiller et relever le mouillage

Avant de mouiller, tout d’abord, vérifiez que l’ancre, la chaine, le câblot sont fixés entre eux et au navire. Car évidemment, si vous jetez l’ancre et que le mouillage n’est pas fixé au navire, tout va partir à l’eau.

Ce serait ballot.

Ensuite, sur les bateaux qui en sont équipés, vérifiez le fonctionnement du guindeau électrique. Ici par exemple vous voyez notre modèle 1500 Watts, le Tigre de la marque Lofrans, un excellent guindeau, très puissant.

Avant de mouiller, vérifiez également que l’ancre est prête à tomber. En effet, en navigation, l’ancre est solidement fixée au navire pour qu’elle ne bouge pas, ne tombe pas à l’eau, ne tape nulle part, y compris dans les mers les plus agitées. Vous voyez d’ailleurs derrière moi comment elle est tenue à bord de FIDJI, avec un palan. Nous devons donc, avant de mouiller, ouvrir le mousqueton pour libérer ce palan.

Vérifier que l'ancre est parée

À noter que dans certaines circonstances, par exemple une panne de moteur dans un chenal, ou à proximité d’un quelconque danger, il peut être indispensable de mouiller très rapidement, y compris sans le moteur et donc …sans électricité, en libérant le frein pour que l’ancre tombe toute seule.

Il s’agit d’une manœuvre d’urgence à maîtriser absolument.

Il faut donc s’entraîner.

Mouiller, jeter l'ancre

En tout cas, en approche normale, on avance doucement, face au vent, jusqu’à la profondeur souhaitée, comme nous l’avons vu, idéalement entre 3 et 15 mètres. Il faut attendre que le bateau soit complètement à l’arrêt pour jeter l’ancre. Vérifiez que la chaîne se déroule correctement, qu’il n’y a pas de nœud dans la baille à mouillage. Si l’endroit a été correctement choisi, il ne faut pas tirer sur l’ancre avant qu’elle ait suffisamment de chaine (environ 3 fois la profondeur) pour tenir et s’enfoncer gentiment. On peut donc reculer à la vitesse à laquelle la chaine se pose au fond, mais pas plus vite, au risque de voir l’ancre déraper et ne plus se trouver à l’endroit souhaité.

À la fin, une fois qu’il y a suffisamment de chaîne sur le fond, il faut ajouter une aussière comme vous le voyez surl ‘image ci-dessous, elle joue le rôle d’amortisseur.

Personnellement je l’accroche avec un mousqueton dans un des maillons de la chaîne, et je donne ensuite du mou pour que le mouillage tire sur un taquet d’amarrage, cela soulage le guindeau et donne de l’élasticité à l’ensemble, un élément très important pour sa bonne tenue.

Ajouter une aussière au mouillage

Lorsque le vent est fort, j’ajoute simplement du mou en utilisant les tours morts sur le taquet d’amarrage, je peux ainsi ajouter beaucoup d’élasticité et de poids sur la ligne, grâce à la chaine qui pendouille à ce niveau là.

Car c’est bien ces trois éléments, ancre, chaine et aussière, accroche, poids, et élasticité, qui travaillent ensemble pour retenir le bateau.

Bref, retenez qu’il faut au minimum trois à cinq fois la profondeur en longueur de mouillage, avec 10 à 20% de longueur en « textile », autrement dit, de l’aussière. Évidemment, si on a la place et que le fond le permet, rien ne nous empêche de mettre plus. Personnellement, sur 4, 5 ou 6 mètres de fond, je mouille environ 30 à 35 mètres de longueur. Sur 10 à 15 mètres de profondeur, je mets entre 50 et 60 mètres de chaîne, avec la possibilité de rallonger en textile si le vent est fort, pour poser la chaîne sur le fond.

En effet, il faut savoir que les ancres ont toutes une chose en commun.

Elles sont conçues pour accrocher le fond lorsqu’on tire dessus à l’horizontale, et pour décrocher du fond lorsque l’on tire dessus à la verticale. Lorsque « le jas » de l’ancre, aussi appelée, « la verge », est soulevée, l’ancre bascule pour se décrocher.

Il faut donc suffisamment de chaîne pour que l’ancre reste à plat, à l’horizontale sur le fond. C’est bien le poids et le frottement de la chaîne qui le permet. Attention donc, encore une fois, à la marée, qui en montant, soulève la chaîne du fond.

Et l’important, je le répète, c’est de mouiller lorsque le bateau est à l’arrêt, et de reculer à la vitesse à laquelle la chaîne s’étale sur le fond, afin de ne pas tirer sur l’ancre trop tôt, ce qui la ferait glisser et l’empêcherai de se planter à l’endroit souhaité.

Et ce n’est qu’une fois l’ensemble du mouillage à poste que l’on peut tirer dessus, je vous explique comment faire un peu plus loin.

Relever le mouillage, lever l'ancre

Il faut savoir qu’au mouillage, le navire est face au vent, sauf bien sûr si on est mouillé dans le courant et que le vent est plus faible que lui. En tout cas, en temps normal, c’est comme si le bateau était accroché par le nez en direction du vent, et donc, en tirant sur le mouillage par l’avant, le bateau reste face vent.

C’est là où je veux en venir, car nous avons un moteur à bord, qui doit être démarré pour pouvoir fournir l’énergie nécessaire au guindeau. L’utiliser pour avancer sur le mouillage et soulager le travail du guindeau est donc une bonne idée, mais à condition de garder une tension sur le mouillage à l’avant.

En effet, si on avance de trop sur le mouillage, pour s’arrêter ensuite, il se passe systématiquement la même chose : le bateau qui n’est plus tenue par le nez s’écarte du face au vent, il va naturellement chercher à se placer vent de travers.

Pour bien faire, alors, au moment où l’on commence à tirer sur la chaîne, on donne un petit coup de moteur pour donner de l’erre au bateau, sur dix ou quinze mètres environ, et c’est tout. Il faut laisser le guindeau tirer le bateau par le nez de manière à rester face au vent tout le long de cette manœuvre.

Sans pour autant tirer trop fort dessus, bien sûr, c’est une question de pratique.

Car bien sûr, il faut s’adapter aux conditions et au matériel. Parfois, par vent fort, on utilise le moteur pour soulager le guindeau carrément jusqu’à la verticale de l’ancre, cela ne pose aucun problème tant que l’on arrive à rester face au vent. Et lorsque le vent est faible ou nul et que le guindeau est suffisamment puissant, la manœuvre se fait simplement moteur au point mort, débrayé, éventuellement accéléré pour donner plus de puissance aux batteries.

Vérifier la tenue du mouillage

Vous voyez ici le catamaran d’un voisin de ponton, en Polynésie, dont le mouillage n’a malheureusement pas tenu, il a dérapé.

Catamaran échoué

Les fonds de sable coralien ne tiennent pas très bien les ancres, il faut donc absolument ajouter de la chaîne, beaucoup de chaîne. Il y a tellement de place au mouillage dans ces parages, il ne faut pas hésiter à mettre 50 ou 60 mètres de chaine, même s’il n’y a que 4 mètres de profondeur.

Le fait de laisser son bateau au mouillage, même sur un corps mort, n’est jamais rassurant. Il faut donc bien s’assurer que le mouillage tient.

Une fois que la longueur de chaîne suffisante a été posée et que l’aussière permettant de soulager le guindeau et de donner de l’élasticité est en place……il faut tirer raisonnablement et progressivement sur le mouillage grâce au moteur en marche arrière. La chaîne va ainsi se tendre, et l’ancre, si tout va bien, profondément s’enfouir.

À noter que par vent fort, ce n’est pas forcément utile. En effet, avec un peu d’habitude, surtout lorsque l’on vient jeter l’ancre à la voile comme nous le faisons fréquemment, on peut sentir lorsque l’ancre est accrochée, que la dérive du bateau est stoppée. Mais pour passer la nuit au mouillage, il vaut quand même mieux tirer dessus un peu, quitte à démarrer le moteur rien que pour ça.

En tout cas, lorsque le mouillage se tend, l’ancre doit accrocher. Pour le vérifier, il ne faut pas regarder devant soi, ni à la surface de l’eau, mais par le travers ! Il faut prendre des repères d’alignement, trouver un premier et un second plan et voir comment ils se déplacent l’un par rapport à l’autre.

Premier plan - Second plan

Cela peut-être n’importe quoi du moment que ces éléments sont fixes et suffisamment éloignés pour qu’on les voit nettement se déplacer l’un par rapport à l’autre. Lorsque ces deux éléments, sur deux plans différents, ne bougent plus, c’est qu’on est à l’arrêt.

Je temps le mouillage doucement et tire progressivement, puis je reste embrayé en marche arrière à 30% de puissance pendant environ 30 secondes, et je vois si ça dérape. Je regarde le paysage, premier plan, second plan, et le GPS, traceur activé.

Si le bateau ne recule plus du tout, c’est que l’ancre est bien plantée et la chaine bien étalée, je remets alors le point mort, le bateau avance de quelques mètres et prend sa place. Je fais une marque sur mon application de cartographie pour pouvoir vérifier, y compris au milieu de la nuit dans ma bannette et dans l’obscurité totale, que tout va bien et que nous n’avons pas bougé.

J’utilise également, en particulier lorsque je suis amarré sur des corps-morts, dont je me méfie toujours (c’est du vécu), deux alarmes de mouillage, une sur mon AIS, et l’autre sur mon téléphone.

Avec tout ça, je peux dire que, sauf exceptions, je passe de bonnes nuits au mouillage.

Je reste rassuré tant que je suis à bord.

En revanche si je vais à terre, je ne m’éloigne jamais bien loin, ni bien longtemps, de mon bateau au mouillage.

C’est la fin de ce petit topo au sujet du mouillage, j’espère qu’il vous a plus et qu’il vous sera utile !

Je vous souhaite de très belles navigations, à bientôt !

Patrick Belliot

Mata’i Nautisme