Nous sommes fin décembre 2008, et comme nous vous le racontions dans l’article précédent, notre traversée de l’Atlantique aura donc duré 17 jours, 17 nuits et 3 heures. Nous voilà au mouillage dans le sud de la Martinique, à Sainte Anne !

Vivre ainsi à deux dans un si petit espace, au milieu de la mer immense, est une expérience très forte. Nous nous sommes accordés, un diapason réglé sur la beauté de la vie, sur la joie d’être libre.

Les pieds à nouveau sur Terre, 22 décembre 2008

Dès l’ancre jetée, nous gonflons l’annexe. Voilà 17 jours que nous n’avons pas donné de nouvelles à nos familles, alors la priorité est de les rassurer et prendre de leurs nouvelles.

Petzouille, notre moteur d’annexe démarre au quart de tour et nous rejoignons la plage de Ste Anne. Le sable est doux, nous sommes un peu groggys. L’ordinateur dans le sac étanche, nous nous dirigeons vers le bar qui sent bon les Antilles, la musique créole se mêle au parfum des fruits de la passion. Et la bière Lorraine, « spécialement étudiée pour le climat tropical », nous désaltère avec délice. Nous n’avons pas de frigo à bord, alors nous l’apprécions d’autant plus.

La connexion à internet fonctionne, allo la famille…

Une nuit sans roulis

Nous avions trouvé un rythme durant cette traversée, notre radar nous permettant quand même de dormir suffisamment.

Mais passer à nouveau une nuit sur un mouillage totalement abrité, sur une mer plate : ouah, quel pied ! Du coup, on dort 12 heures non-stop ! Confiants, heureux, sereins, comme des enfants en dehors de tout stress !

On se retrouve tout mou au réveil et il nous faut un peu de temps pour émerger comme si nous sortions d’un évanouissement. Où sommes-nous, quand avons-nous fait le dernier point sur la carte, pourquoi FIDJI ne bouge-t-il pas ? Mais bien sûr, nous sommes arrivés !

Un bon café nous remet les idées en place, allons profiter du paysage !

Grosse surprise au réveil

Fatigués comme nous l’étions la veille au soir, nous n’avions pas relevé l’annexe et l’avions laissé le long du bord de FIDJI. Or tout le monde sait bien qu’il ne faut pas faire ça aux Antilles, où les vols d’annexe sont fréquents, d’où le fameux dicton « annexe à l’eau, annexe cadeau ».

Mais nous constatons qu’elle est bel et bien toujours là. Certes.

Mais dans quel état !

Le fond et le tableau arrière se sont décollés et pendouillent sous les boudins, ne restent que la partie avant qui retient le tout ! Petzouille, toujours accroché au tableau arrière est donc immergé à deux mètres sous la surface, la nourrice reliée par son tuyau flottant à l’envers juste au-dessus comme un orin.

Nous sommes verts. Tout s’est décollé, on n’avait jamais vu ça !

Pour en arriver là il faut vous expliquer qu’au-delà du fait que cette annexe (de marque Zodiac) avait une quinzaine d’année, nous avons commis deux erreurs. La première, c’est de la stocker roulée et beaucoup trop serrée (saucissonnée serait le mot plus adapté) pour gagner de la place. Pas bon.

La deuxième erreur, c’est d’avoir laissé des gamins du Cap Vert faire des châteaux de sables dedans, puis l’utiliser comme une structure gonflable sur laquelle ils ont pu grimper et sauter comme sur un trampoline. Pas bon DU TOUT.

En tout cas, la colle qui devait être déjà fatiguée n’a pas aimé ce traitement.

Cette annexe, je l’avais trouvé en mer (sans le moteur), entre la Corse et Saint Raphaël à l’été 2000. Je l’avais déclarée perdue à la gendarmerie, mais personne ne l’avait réclamée. En très bon état, elle avait donc naturellement trouvé sa place à bord de FIDJI pour vivre de nouvelles aventures.

Bref, nous avons sorti Petzouille de l’eau et nous sommes attelés à le rincer soigneusement. Heureusement, il nous restait de l’eau douce. Il démarre, c’est déjà ça.

Mais l’annexe est inutilisable, nous ne pouvons plus descendre à terre sans nous mettre à l’eau !

Nous allons donc devoir prendre une place au ponton à la marina du Marin, qui heureusement se révèle compréhensive et nous en trouve une de suite.

FIDJI à la marina du Marin en Martinique

À la marina du Marin en Martinique, avec une annexe que l’on nous prête…

Nous nous rendons, avec notre annexe en kit, chez un professionnel, « La Survy », pour lui demander son avis.

Alors que nous pensions qu’elle était foutue, celui-ci nous explique, à notre grande surprise, qu’il peut la réparer. Et par-dessus le marché, qu’il nous garantit son travail.

Excellente nouvelle. Mais cela coûte quand même 40 à 50% du prix d’une annexe neuve…

Entre la marina et cette réparation, nous devons évidemment faire face à ces dépenses imprévues. Voilà un retour rapide à la réalité pragmatique qui pique un peu, surtout après ces quelques semaines de bonheur que nous venons de vivre.

Pas le temps de chômer

Nous savions déjà qu’il nous faudrait rapidement reprendre le travail. Cette histoire d’annexe nous fait mettre le turbo et la traversée prend déjà place dans nos souvenirs. Nous prendrons le temps de méditer sur cette étape de vie plus tard.

Comme nous sommes déjà connus dans la place, nous trouvons immédiatement du boulot sous la forme d’un « convoyage retour », c’est-à-dire qu’il nous faut ramener, depuis les Grenadines, un bateau en Martinique.

Cool.

Bien sûr pour partir bosser, nous devons laisser FIDJI seul au mouillage. C’est nouveau pour nous et cela nous stresse quand même un peu. Heureusement il y a les copains pas loin pour veiller sur lui…

Pour plus de sécurité, nous ajoutons une deuxième ancre (cela s’appelle « empenneler ») sur nos 70 mètres de chaine de 10mm. Nous avons bien tout vérifié, groupe d’eau éteint, bouteille de gaz fermée, rien qui puisse s’envoler sur le pont ou dans le cockpit, les batteries coupées, etc…

Ouh là, pas évident de laisser notre voilier… Mais il faut y aller !

Nous nous envolons vers les Grenadines

Pour rejoindre le voilier que nous devons ramener, nous bénéficions d’un vol au-dessus des îles, cap sur les Grenadines, l’ile de Bequia !

En arrivant, j’explique à notre pilote, Françoise, que plus jeune j’avais fortement envisagé de faire son métier. Du coup, elle me propose direct de prendre la place du co-pilote (nous ne sommes que quatre dans l’avion) ! Françoise, très sympa, nous explique plein de choses, nous survolons les îles, c’est juste magnifique.

Nous ferions bien durer le plaisir plus longtemps et arrivons beaucoup trop vite à notre goût.

Les clients pour qui nous allons ramener le voilier nous attendent à l’aéroport. Nous récupérons les clés et prenons le taxi pour rejoindre leur bateau. À l’arrivée, nous constatons que le frigo est plein, cool ! Nous réalisons un inventaire du matériel et un check du bateau, tout le nécessaire est là, et tout fonctionne.

Nous n’avons plus qu’à lever l’ancre et reprendre la route de la Martinique.

De la Martinique aux Grenadines, la croisière la plus « classique » pour les Français des Antilles

La croisière « One Way »

Vous vous demandez peut-être pourquoi ces gens n’ont pas eux-mêmes ramenés le voilier en Martinique ? Et bien, c’est pour gagner du temps, souvent trois à quatre jours avec les escales. Ils ont fait ce que l’on appelle un « One Way ».

C’est un grand classique, parfois même encouragé par les boites de location de Martinique. En fait, les clients louent le voilier au Marin (dans le sud de la Martinique), se rendent dans les Grenadines (environ 100 – 120 MN plus au sud), et laissent le voilier là-bas pour revenir en avion, moyennant un surcoût bien sûr.

Ainsi ils passent plus de temps à profiter des mouillages de rêves qu’offrent les Grenadines. L’angle avec le vent étant quand même un poil plus serré au retour qu’à l’aller, cela permet aussi de vivre une croisière plus « douce ».

L’alizé étant parfois très puissant, choisir une location « One way » n’est donc pas une mauvaise idée. Le plaisancier moyen, qui ne dispose ni d’un équipage aguerri ni d’un emploi du temps extensible (lui permettant éventuellement d’attendre que le vent se calme), saura apprécier cette option.

En tout cas, les bateaux ne restent pas dans les Grenadines et ce sont des professionnels comme nous qui les ramenons. Quand la météo est bonne et que le bateau est en bon état, c’est cool. Mais cette mission est vraiment riquiqui, payée deux jours, il en faudrait beaucoup pour en faire un revenu convenable.

En tout cas, ce convoyage en amoureux se passe très bien. Deux jours plus tard, nous sommes déjà de retour en Martinique.

Dès notre arrivée, nous sommes appelés à enchainer avec un charter sur un de ces catamarans Lagoon 570 que nous connaissons déjà, avec 12 passagers. Nous nous préparons psychologiquement, nous connaissons l’intensité de ce travail.

Pas de temps mort

Durant les semaines qui suivent, nous enfilons donc de nouveau les T-shirts jaunes de la société Switch et enchainons les croisières vers les Grenadines. Nous ne passons que quelques jours par ci par là à bord de notre FIDJI.

Comme l’an passé, nous accueillons 12 clients (6 cabines doubles + plus les pointes pour l’équipage) pour des allers-retours vers les Grenadines. Nous parcourons 300 MN (550 km) en 6 jours, pratiquement deux nuits blanches à chaque fois, une à l’aller, l’autre au retour.

Notre emploi du temps ne connait pas de temps de mort. C’est quelque chose de satisfaire 12 clients en toute circonstance, 24h/24. Nous vous raconterons d’ailleurs plus en détail comment cela se passe dans un prochain article.

Au boulot en lagoon 570

À l’arrivée d’une croisière, avec une super équipe de clients

La caisse de bord qui va nous rendre notre liberté

Ces efforts remplissent rapidement notre caisse de bord. Nous aimons les Antilles et ces croisières, et nous aimons encore plus partager ces moments souvent très sympas avec nos clients. Mais nous avons quand même hâte de continuer notre voyage, qui nous en sommes sûr, ne fait que commencer.

Et ce dont nous rêvons le plus, c’est de nous balader ENFIN….à NOTRE rythme.

De toute façon, nous avons de la visite, mes parents nous rejoignent dès le mois de février pour une…croisière vers les Grenadines ! On peut dire qu’on connait bien la route.

Mais cette fois nous aurons plus de temps (deux semaines !), et cela se passera à bord de FIDJI !

On vous raconte ça dans le prochain article !