Cela fait seulement deux jours que nous sommes en 2023, nous quittons Sydney. La ville s’éloigne dans le sillage, cela fait drôle, après toutes ces années à avoir pensé à cette escale. Et voilà, ça y est, elle est déjà derrière nous !

Le temps passe si vite. C’est drôle à quel point le fait de voyager si lentement le révèle si fort.

Nous longeons les plages du sud, noires de monde, Bondi, Coogee et Maroubra beach…

Plage de bondi bondée
Page de Coogee bondée

Un avion, si haut qu’il est à peine visible, vient dessiner des lettres dans le ciel immaculé. On se demande un bon moment à quoi il joue…, puis un mot apparait…une publicité !

Non mais quel délire !!

Il recommence à plusieurs reprises au-dessus des plages : « Hyper Karting ». Nous avons eu le temps de nous éloigner qu’il continuait encore…

Avion publicitaire
Avion publicitaire

C’est dingue d’être à ce point poursuivi par la publicité ! Y-a-t-il une limite à ce cirque ? Cela ne pose pas de problème à la population de voir son ciel ainsi ridiculement bariolé toute l’après-midi ? Les publicitaires devraient mouiller un bateau devant la plage, avec des gros haut-parleurs tant qu’ils y sont !

C’est dingue le pognon que l’on peut trouver pour ce genre de conneries, quand il y a tant de misère.

Et c’est dingue de ne pas légiférer sur ce genre de pratique dans un pays qui a subi dernièrement des incendies catastrophiques, des températures de 50°C (!!), suivies dans la foulée d’inondations au moins aussi catastrophiques.

Bref, nous sommes atterrés par tant d’irresponsabilité et de bêtise, manifestement l’Australie n’en est pas préservée.

Botany bay, sur les traces de La Pérouse

Nous continuons notre route, et nous ne pouvons pas passer à côté de Botany bay sans nous y arrêter.

En effet, il s’agit du point de départ, avec l’arrivée du capitaine Cook fin avril 1770 à bord de l’ENDEAVOUR, de l’implantation britannique en Australie.

Mais ce qui nous intéresse encore plus, c’est le passage qu’y fit le légendaire Jean-François de Lapérouse, en 1788 ! Son escadre, composée des non moins légendaires frégates LA BOUSSOLE et L’ASTROLABE y arrivèrent le 26 janvier, moins d’une semaine après la fameuse « First Fleet » et ses 1400 colons britanniques dont je vous parlais dans l’article précédent !

Voici un extrait de son journal :

« Le 24, nous aperçûmes une flotte anglaise à l’ancre dans Botany Bay, dont nous pouvions voir les drapeaux et les fanions.

Les Européens sont tous des compatriotes à une si grande distance de l’Europe, et nous étions très impatients d’atteindre le mouillage. Mais le temps était si brumeux le jour suivant que nous ne pouvions pas voir la terre, et nous n’avons atteint le mouillage que le 26 à neuf heures du matin. »

La Pérouse, 1788

Pour ceux qui ne connaissent pas les aventures de La Pérouse, sachez qu’envoyé par Louis XVI, il mena une expédition extraordinaire de découvertes à vocation scientifique, de 1785 à 1788 à bord de LA BOUSSOLE et de L’ASTROLABE.

À chaque escale, il se débrouillait pour envoyer son journal et raconter ses découvertes et passionnantes aventures au roi et aux scientifiques du royaume de France.

Parcours-expedition-la-perouse

Le parcours de la passionnante et légendaire expédition La Pérouse

La Boussole et l’Astrolabe au mouillage, probablement en Alaska en 1786

Louis XVI était passionné de cartes marines et de découvertes. L’objectif de l’expédition de La Pérouse était d’effectuer une exploration de l’océan Pacifique dans la lignée de James Cook, et d’envisager une circumnavigation du globe.

Mais comme vous le voyez sur l’image ci-dessus, Botany Bay sera la dernière escale connue des deux navires Français. Ce fût la dernière fois que La Pérouse pu envoyer des nouvelles au roi, qui 5 ans plus tard, au moment de se faire couper la tête, attendait toujours de ses nouvelles.

En vain.

« A-t-on des nouvelles de monsieur de La Pérouse ? », seraient d’ailleurs une de ses dernières phrases.

Il fallut attendre près de 40 ans pour en avoir. C’est en 1826 qu’un explorateur découvrit les restes de LA BOUSSOLE et de L’ASTROLABE, sur l’île de Vanikoro dans l’archipel des îles Salomon. Les deux navires reposent sur le récif. Il y eut quelques survivants à ce naufrage, on le sait pour avoir retrouvé des restes d’un campement, ainsi que du matériel ne laissant aucun doute.

Et donc, les Anglais ont érigé, à Botany Bay, un monument en mémoire de La Pérouse, ainsi qu’un musée. La pointe s’appelle La Pérouse Point et la baie à côté…Frenchmans bay !

Alors, évidemment, nous voulons y jeter l’ancre, voir ce monument et visiter ce musée !

Le monument à la mémoire de La Pérouse à Botany Bay

Suivre ainsi les routes maritimes de ces explorateurs est toujours émouvant.

Nous avons du respect pour ces hommes qui ont bien souvent donné leur vie pour ouvrir ces passages maritimes. La suite, la colonisation, l’accaparement, la destruction, l’évangélisation forcée, l’importation de maladies meurtrières, n’est certes pas glorieuse (c’est le moins que l’on puisse dire). Mais la plupart des marins explorateurs, cartographes, astronomes, botanistes, etc…étaient surtout des aventuriers, des découvreurs et/ou scientifiques passionnés. Ils ne voulaient aucun mal aux populations autochtones avec lesquelles ils échangeaient le plus souvent pacifiquement.

Nous n’oublions pas les aspects négatifs, mais voulons aussi mettre en avant cette curiosité humaine qui nous semble saine et naturelle, qui nous pousse à vouloir savoir, à vouloir comprendre, à vouloir aller voir plus loin. Il fallait beaucoup de courage pour oser ces dangereux voyages maritimes. Découvrir de nouvelles côtes, risquer sa vie dans les mers inconnues, souvent très rudes.

Beaucoup de voiliers ne sont jamais revenus, faisant disparaître avec eux nombre de marins. Mais il y a aussi tout ceux qui ont réussi ! Et les scientifiques, botanistes et autres anthropologues qui accompagnent ces expéditions ont ramené un nombre phénoménal d’informations et de nouvelles espèces, autant animales que végétales, mais aussi des réflexions enrichies des rencontres avec les autochtones.

L’histoire n’est pas rose et bien des larmes ont coulé, mais l’intérêt sincère porté par certains a permis de découvrir d’autres possibles. L’exploitation réfléchie de tout cela n’est pas évidente et l’avidité de certains freine grandement la compréhension mutuelle.

Nous jetons donc l’ancre devant cette plage, « Frenchmans bay », elle aussi noire de monde. Mais l’escale sera brève, car nous sommes le 2 janvier et…Nous ne pouvons que constater que le musée est fermé !

Étant donné la météo prévue, un coup de vent de sud qui arrive demain et qui va durer trois jours, nous ne pouvons pas attendre et devons partir. Il faut continuer à avancer vers le sud et ne pas rater les opportunités météo qui s’offrent à nous.

Jervis Bay

Nous levons l’ancre de bonne heure, à 5h30, en route pour Jervis bay qui offre à coup sûr un bon abri du coup de vent de sud. Le but est de parcourir les 70 miles dans la journée, étant entendu qu’il vaut mieux arriver de jour dans un endroit que l’on ne connait pas.

Sur la route, nous profitons de magnifiques paysages côtiers. Mais, le vent manque.

Nous sommes contraints de solliciter notre moteur, Popeye, plus de 9 heures (sur 12h30 de trajet) ! Pas facile de jongler entre la météo et les distances colossales de ce pays.

Jervis bay est une « toute petite » baie à l’échelle australienne, juste 16 kilomètres de long par 9 de large (dans laquelle nous pourrions donc carrément insérer Belle-Ile) !

Jervis bay

Nous longeons de spectaculaires falaises, et y entrons en fin d’après-midi.

Nous nous dirigeons vers le sud, près d’un repère appelé « Hole in the wall » où quatre corps morts ont été installés. Comme ils sont pris, nous jetons l’ancre suivant les instructions de ce chouette mouillage (interdit de mouiller entre la plage et la ligne de sonde des 10 mètres). Nous sommes une bonne dizaine de voiliers à être venu nous abriter ici, et nous rencontrons d’ailleurs de sympathiques Français à bord d’un catamaran nommé VANILLE.

Comme prévu la météo se dégrade fortement, durant trois jours le vent souffle et la pluie rince abondement FIDJI. Nous sommes très bien là, et les nombreuses éclaircies nous permettent de découvrir les environs. C’est l’occasion d’enfiler nos bottes et les balades alentours se révèlent absolument magnifiques !

La forêt d'eucalyptus

Une cale de mise à l’eau à proximité nous permet de laisser l’annexe et de partir découvrir la forêt d’eucalyptus. Le chemin de randonnée est au top ! Sur le parking de la mise à l’eau il y a des grandes poubelles, des sanitaires avec douches pour se rincer quand on revient de la plage.

La forêt est en bordure de côte, et de petites criques de sable blanc invitent à la baignade. Car entre deux averses, le soleil est chaud ! Nous sommes en été, ne l’oublions pas !

Nos balades en forêt sont le prétexte de rendez-vous avec les wallabys et kangourous du coin. Youpi ! C’est trop sympa ces rencontres ! La forêt nous abrite du vent, les arbres sont très hauts, ça sent bon. Nous prenons beaucoup de plaisir dans ces longues promenades.

Pat Forêt d'eucalyptus

Au bord des falaises

Nous continuons nos promenades vers les falaises proches de la forêt. Nous avons une vue panoramique sur la canopée d’un côté, sur le maquis côtier et la mer de l’autre. C’est un endroit splendide. La petite île à l’entrée de la baie est un sanctuaire pour les pingouins.

Ils bénéficient d’un terrain de jeu fantastique et s’ils aiment surfer, ils doivent se régaler dans la houle qui se fraie un passage entre la côte et leur île.

Ile Bowen

Nous continuons nos pérégrinations afin de rejoindre un point de vue sur le « Coude du diable ». C’est une avancée de la falaise creusée par les vagues qui peuvent être terribles par ici. Et là encore, c’est magnifique.  Sur le chemin, nous croisons une multitude d’oiseaux :  aigle de mer, cormorans, martin pêcheur, perruches colorées, petits oiseaux musiciens, et nos amis les wallabys !

C’est trop drôle de les voir sauter à travers les hautes herbes.

Kangourou Jervis Bay
Balade au bord des falaises
Balade au bord des falaises Pat heureux
Balade au bord des falaises le coude du diable

Le coude du diable !

Plages et dauphins du mouillage

Si vous tapez Jervis Bay dans votre moteur de recherche, vous ne verrez pratiquement que cela. Des plages. Évidemment, elles sont très, très longues. Et très très belles.

Nous en profitons bien sûr, et le beau temps revient. Alors on se baigne, on marche longuement, les pieds dans l’eau. Le bonheur.

Au mouillage, des dauphins très familiers s’approchent très près de FIDJI, ils viennent nous saluer, c’est vraiment SUPER !

Plage de Jervis Bay
Plage de Jervis Bay

Quelques courses et changement de mouillages

Bon, une fois de plus, nous nous sentons drôlement bien, mieux qu’en ville il faut bien le reconnaître. Nous n’avons plus envie de partir. Cette baie aurait d’ailleurs une taille idéale pour fonder une école de voile. La houle du large n’y entre pratiquement pas, et il est possible de s’abriter de pratiquement tous les secteurs de vent (à condition de traverser la baie quand il tourne, bien sûr).

Nous rejoignons, en deux petites heures au portant, un village, Vincentia. Il dispose d’un magasin « Coles » facilement accessible à pied, en quelques minutes.

Nous emmenons le cadis carrément jusqu’à la plage pour charger l’annexe, avant de le ramener. Cela ne peut guère être plus pratique, même à Sydney nous n’avions pas ce luxe.

Courses à Vincentia
Courses à Vincentia - Le Mouillage
Voir les dauphins

Le coin est assez touristique. Ici le but, c’est de voir des dauphins…

Puis nous retraversons la baie, un super moment de voile, pour nous rendre à Honeymoon Bay. On se disait qu’on ne pouvait pas partir d’ici sans y avoir fait un tour.

Et en effet, c’est BEAU ! Par contre, notez le si un jour vous venez par ici, ce doit être encore mieux à marée haute.

Honeymoon bay

Encore une dernière balade sur la plage, le temps de se dire à quel point nous avons aimé Jervis Bay. Ses multiples possibilités de balade, ses abris, son petit village, et ses animaux, en particulier tous ces wallabys et kangourous.

Dernier mouillage à Jervis bay

Mais FIDJI nous regarde, il a envie d’aller naviguer ça se voit, car il y a encore tellement de choses à découvrir. Et l’Australie est si grande, nous devons avancer. À ce stade, nous ne savons même pas encore où nous allons nous arrêter. Tout ce que l’on sait, c’est que nous devons avancer vers le sud, et que l’été n’attend pas.

Alors, demain, mercredi 11 janvier, nous lèverons l’ancre, nous enverrons les voiles, cap au sud. Nous prendrons la décision en route, en fonction de la météo, de nous arrêter à la prochaine escale, Eden, …ou de la sauter pour aller plus loin.

Parce que nous ne pouvons malheureusement pas faire escale partout.

La météo décidera, et on vous racontera !

À bientôt !

FIDJI au mouillage à Jervis bay
Pat et Isa à Jervis bay