Samedi 10 décembre 2022, nous larguons les amarres, cap au sud, pour longer la côte. Le vent est prévu assez faible, mais au moins nous ne l’avons pas dans le nez. Et si nous repoussons ce départ, nous ne pourrons pas partir avant un long moment, la météo prévoyant le retour d’un puissant vent de sud très prochainement.

Le ciel est gris, la mer agitée et le vent manque, si bien que Popeye va ronronner longtemps, trop longtemps… Au bout de 12h00 de moteur et alors que la nuit tombe, nous décidons de faire une escale d’une nuit à Port Macquarie. Nous n’avons aucune envie de nous taper une nuit de moteur supplémentaire !

D’autant plus qu’il est prévu du vent le lendemain, dans la bonne direction. Alors en attendant, autant faire une pause.

En route, nous croisons d’autres bateaux. Des gros, des très gros, des bateaux de pêches et des voiliers en tout genre, qui eux aussi profitent de cette fenêtre météo.

Les australiens naviguent !

Le phare de Smoky Cape

Brève escale à Port Macquarie

Le soir tombe doucement, il est 20h, le soleil vient juste de disparaître derrière la terre et nous distinguons nettement les balises verte et rouge de l’entrée du port. Celle-ci est étroite et de chaque côté déferlent de belles vagues d’environ 2 à 3 mètres qui font certainement le plaisir de quelques surfeurs en quête d’adrénaline. Dans ce chenal particulier, ce genre de « petites » vagues sont celles de grands beaux temps. En effet ce chenal, avec les puissants courants de marée générées par la rivière, peut vite devenir impraticable.

Bref, ce chenal a mauvaise réputation.

Des passages un peu chauds comme celui-là, nous en avons pratiqués quelques fois. La passe de Maupiti entre autres, celle de Mopelia, ou alors la Havannah en Nouvelle Calédonie…

Il y a une webcam filmant la passe en direct. Puisque que nous sommes connectés à internet, nous y jetons un œil avant de nous y engager. Nous pouvons ainsi voir que les vagues ne déferlent pas, c’est super pratique et bien fait.

En plus il fait beau, on y va ! Popeye est poussé dans les tours, et une fois la barre passée, nous sommes à nouveau à plat comme sur un lac un jour sans vent. Un corps mort nous attend, ils sont au top ces Australiens !

Un bon dîner et au lit, car nous avons encore beaucoup de route à faire et devons nous lever tôt.

Quelle bonne nuit réparatrice ! C’est quand même un sacré luxe d’avoir le temps de s’arrêter pour remettre de l’ordre dans nos corps ! Nous ne perdons pas de temps et dès 4h30 le lendemain matin, nous sommes sur le pont, prêts à repartir.

Dans le chenal, une grosse frayeur

Le 11 au très petit matin puisqu’il ne fait pas encore vraiment jour, nous voilà donc repartis. Mais avant de rejoindre les profondeurs du large, nous devons passer la barre franchie hier soir…Il va falloir la jouer fine et Popeye va devoir assurer ! Parce que devant nous, les vagues semblent assez grosses, et dans le chenal, nous montons et descendons avec elles d’environ deux à trois mètres à chaque fois… Pour ne pas paniquer, Isa ne regarde pas les vagues et s’accroupit dans le cockpit, elle ne quitte pas des yeux la carte marine (qui s’affiche sur l’iPad), et surveille le sondeur.

Le principe est simple : Rester dans la zone où il y a plus de 5 mètres de sonde, dans la partie blanche sur la carte. Elle me guide le mieux possible : « Plus à gauche, oui c’est bon, encore à gauche, c’est toujours bon, tiens toujours la gauche, c’est bon, on est toujours dans la zone blanche ». Soudain, le sondeur, qui nous annonce la distance entre le fond et la quille de FIDJI, passe de 3 à 2 mètres, puis 1,50 m, 1,20 m, 0,8 m, 0,5 m, 0,2 m, puis 0,0 m !!! Ce n’est pas possible, on va toucher ! À zéro, on doit toucher, nous connaissons parfaitement notre sondeur ! Ça va faire mal !

Nos jambes flagellent, j’essaye de rester concentré, accroché à la barre, je viens encore plus à gauche, vers le nord du chenal, pensant peut-être y trouver plus de profondeur. À ce moment précis, je suis pratiquement certain que nous allons toucher, et violemment, étant donné la hauteur des vagues. Si on tape là, en redescendant d’une vague, la quille ne va pas aimer du tout, du tout.

Cela risque d’être grave. Nous avons très peur.

Mais…..rien.

Au bout d’un temps infini qui n’a pas dû durer plus de 30 secondes, le sondeur recommence à nous donner des valeurs positives, nous sommes passés. Sans toucher.

Que s’est-il passé avec le sondeur ? Que s’est-il passé sous l’eau ? Je pense que la rivière a beaucoup modifié la configuration des fonds, avec des bancs de sables qui s’accumulent à la sortie (Les images de Google Earth le montrent bien). Nous étions à marée basse, nous aurions dû mieux suivre la trace de la veille (le sondeur n’avait pas indiqué moins de 3 mètres sous la quille).

Mais la carte indiquait une sonde à plus de 5 mètres, et 4,4 mètres dans la zone un peu plus au sud. Est-ce qu’elle est fausse au point de se tromper de 3 mètres ( notre tirant d’eau étant de 2 mètres) ? Ce serait vraiment beaucoup, et les vagues auraient déferlées, et nous aurions touché, c’est clair.

Sortie de Port Macquarie Navionics
Sortie de Port Macquarie Google Earth

Alors, le sondeur a pu débloquer, comme il le fait parfois quand il reçoit des bulles d’air (lorsque l’on fait une grosse marche arrière par exemple). Mais dans ce cas, généralement il affiche 0,0m en clignotant. Et là, il ne clignotait pas.

Bref, nous avons eu très, très, très peur.

Une fois cette frayeur passée, nous tombons dans les bras l’un de l’autre. Quelle émotion ! Nous remercions la mer, qui a peut-être été très indulgente, et notre bonne étoile, et notre cher Popeye, bref, … nous remercions tout le monde.

Si un jour vous passez dans ce fameux chenal de Port Macquarie, qui n’a pas volé sa mauvaise réputation, gardez en tête qu’il vaut mieux qu’il fasse (très) beau, et que la mer soit (très) calme !

Au passage, nous réalisons que malgré tout ce remu ménage, l’ancre n’a pas bougée d’un cil, nous sommes donc très satisfaits du système mis en place à Coffs Harbour.

Escale à Nelson Bay

Cet évènement passé, alors que le jour se lève tout juste, nous nous reconcentrons sur la route à suivre. Une navigation de 100 MN. La mer est top, le vent est top, le soleil est beau, le ciel est bleu. Nous naviguons voiles en ciseaux, cela se passe comme on aime, la croisière de rêve ! Que du bonheur ! Popeye se repose, tout va bien !

Encore une grosse journée de mer, 14 heures après notre départ, nous entrons dans Nelson Bay, vers 19h00. Le soleil est encore bien haut, et nous l’apprécions d’autant plus qu’en Nouvelle Calédonie, à cette heure, il ferait déjà nuit depuis un moment !

Arrivée à Nelson Bay

Nelson Bay est immense, tout est démesuré ici ! C’est magnifique ! Nous pénétrons plus profondément dans la baie, et nous retrouvons de nouveau sur un plan d’eau particulièrement calme. L’endroit est parfaitement balisé, nous dormons à Salamander bay, à côté de Port Stephen.

Un mouillage gros dodo, comme nous aimons à les appeler !

Le lendemain, la météo annonce le passage d’un front froid avec vent fort, pluie, orage et tout et tout. Le vent va tourner au nord-ouest puis à l’ouest. Alors, pour rester bien à l’abri, nous changeons de mouillage, Salamander Bay n’étant pas du tout protégé de ce secteur de vent. Pas de problème, justement en face, il y a une baie parfaitement abritée : Pindimar bay. Nous allons y jeter l’ancre, avec ce fond de vase, nous allons tenir sans problème même si le vent forcit beaucoup.

Les cygnes, à notre arrivée dans Pindimar Bay

Comme partout depuis notre arrivée, nous entendons le chant ininterrompu des cigales qui vivent dans les arbres environnants.

C’est un chant, en fait une « cymbalisation » (c’est le terme qui correspond au son de la cigale) stridente, puissante et continue, 120 décibels paraît-il !! L’insecte mesure dans les 4 ou 5 cm ! Elles se cachent des regards et se taisent à notre approche si bien que les surprendre est très difficile, mais elles n’hésitent pas à donner de la voix dès que nous tournons le dos.

Le front froid passe

Nous sommes bien préparés, l’orage peut passer ! Le « paratonnerre », un morceau de 3 mètres de notre ancien étai, est fixé. Il est serré sur le pataras et glisse jusque dans l’eau. Nous n’avons aucune envie de tester cette installation, mais voilà, elle a le mérite d’exister, on ne sait jamais…

Puis il se met à pleuvoir des cordes, FIDJI est rincé, ce dont il avait grand besoin.

Il y aura quelques belles risées et des coups de tonnerre, mais finalement rien de bien méchant. En 3 ou 4 heures, tout redevient calme. Le ciel retrouve sa profondeur, les cumulonimbus s’éloignent, emportant avec eux les derniers éclairs. C’est beau et c’est fort !

Le soleil descend déjà sur l’horizon. Nous assistons heureux au spectacle chaque jour renouvelé, chaque jour différent ! Les étoiles, les planètes s’allument au fur et à mesure. Puis le ciel scintille de toute part. Aucune pollution lumineuse, c’est magique ! La lune semble si près !

Pindimar Bay
Pindimar Bay - Le nid
Pindimar bay l'orage s'éloigne
Pindimar Bay le coucher de soleil
Pindimar bay la lune

Mardi 13 décembre, on repart !

5h15, Popeye démarre, nous levons l’ancre. La distance à parcourir aujourd’hui est de 80 MN, objectif : Ku Ring Gaï Chase National Park !

Nous profitons du lever de soleil magnifique en quittant la baie. Nous partons tribord amure, toute voile dehors, et nous ne sommes pas seuls à nouveau.

Levé de soleil Nelson Bay
Sortie de Nelson Bay

Ce matin, c’est tempête de ciel bleu, l’orage a tout nettoyé ! La météo nous prévoit du vent d’ouest jusqu’à 10h30, de la pétole ensuite et jusqu’à 13h30, puis du vent d’est, nord est pour la fin de journée, forcissant. Et ça va se passer exactement comme prévu !

Vers 8h00, nous sommes au près bon plein, dans une mer agitée, avec 2 ris dans la GV et une réduction aussi dans le génois.

Régate improvisée

L’AIS nous signale un navire rattrapant pile derrière nous. Un autre voilier, nommé X-PAT. Évidemment, avec un nom pareil, je me doute que c’est un voilier de la marque X-Yacht. L’application Marine Trafic me le confirme (elle affiche même sa photo), c’est quand même cool d’avoir internet en mer !

En tout cas, il nous suit de près, à 3 MN derrière, il nous rattrape. Va-t-il nous doubler ?

Dans ce genre de situation, mon petit côté régatier me titille.

Comme une envie de jouer un peu.

C’est un peu inégal. Un Jeanneau Gin Fizz (pour le comparer à une voiture, disons…une R25), avec tous les pleins et tout le matos de voyage, donc surchargé (on se balade avec pleins de bidons et 4 grosses bouteilles de gaz, par exemple), contre un X-Yachts (disons…une BMW beaucoup plus récente) australien, donc chez lui, donc logiquement bien moins chargé…

En plus nous sommes plus petits (12 mètres) et avons bien réduit la voilure, alors que lui fait 14 mètres et navigue toutes voiles dehors.

À noter pour ceux qui ne le savent pas : Les forces de trainée rendent « mathématiquement » les bateaux plus grands plus rapides par rapport aux plus petits. Pour s’affranchir de cette loi de la mécanique des fluides, il faut sortir le voilier de l’eau, en planant par exemple.

Bref, normalement il devrait nous dépasser facile.

Mais, j’ai envie de jouer un peu, et du coup je ne lâche plus la barre, me prends au jeu et essaye de le tenir. Isa n’est pas dupe, et trouve cela très drôle évidemment.

Le bougre finira par nous doubler, mais il lui aura fallu plus de 6 heures pour y parvenir, juste avant que le vent ne tombe complètement, comme prévu.

Le voilier X-Pat

Pétole de vent, puis bascule au nord-est

Popeye reprend du service. Cette accalmie nous permet de faire sécher notre literie, car, erreur de débutant (comme quoi), les visses du hublot de la cabine avant étaient mal serrées… et les vagues de ce matin n’ont pas épargné notre lit ! Nous sortons alors toute la literie, qui sèchera très vite dans cette météo, heureusement !

Nous profitons aussi de cette accalmie pour faire fonctionner Lorel, Hardi (les groupes électrogènes) et Rainman (le dessalinisateur). 1h20 plus tard, les pleins sont faits ! C’est y pas merveilleux ça !

Puis le vent de nord-est arrive, comme promis ! Nous finissons notre croisière vent arrière, voiles en ciseaux. À nouveau nous retrouvons là toutes les joies des navigations poussées par le vent, surfant sur la houle !

Le long de la côte
Le long de la côte

Arrivée à Ku Ring Gaï Chase National Park

En fin d’après-midi, nous voyons apparaître les plus hautes tours de la ville de Sydney, qui ne se trouve qu’à une quarantaine de kilomètres.

Sydney en vue

Les plus hautes tours de Sydney apparaissent à l’horizon !

Puis nous pénétrons (peu après X-Pat !) dans le parc national Ku Ring Gaï Chase, juste à l’ouest de Pittwater bay.

Nous découvrons un dédalle de bras de mer bordés de falaises et ponctués de criques, c’est immense, nous sommes bouche bée ! Autour de nous, les falaises sont couvertes majoritairement d’eucalyptus. C’est le mariage parfait du minéral et du végétal, et on se demande toujours comment les racines de l’arbre traversent la pierre ?

Il est 17h30, nous baignons dans la démesure, nous sommes si heureux de découvrir cet endroit formidable, que je visite sur Google Earth depuis des mois !

Dans ce parc, on trouve une multitude d’abris et des bouées d’amarrage un peu partout. Certaines sont privées, beaucoup (la grande majorité) appartiennent à des « clubs » ou « associations » de plaisanciers, mais celles qui nous intéressent sont publiques et gratuites, leur usage est limité à 24 heures pour les bateaux de moins de 14 mètres. Personne ne peut les squatter, sous peine d’amende. C’est malin, cela fait tourner les bateaux et libère de la place, c’est top !

Ces coffres nous inspirent confiance dès le premier coup d’œil, on voit tout de suite qu’ils sont balaises et entretenus.

Notre premier spot sera « Refuge Bay » , génial ! Mais ce parc mérite bien un article à lui tout seul, alors,…La suite au prochain épisode !

À bientôt !

Première escale dans le parc Ku Ring Gaï

Premier mouillage dans le parc national de Ku Ring Gaï Chase : Refuge Bay

Pat et Isa - Arrivée à Ku Ring Gaï Chase National Parc