Pour comprendre ce qu’est un voilier ardent nous devons évoquer « l’équilibre de route ». Lorsque vous faîtes voile, le voilier peut avoir tendance à ne pas aller droit lorsque vous lâchez la barre.
On dit de ce voilier :
- S’il a tendance à se rapprocher de l’axe du vent : il est « ardent »
- S’il s’en éloigne : il est « mou »
Le barreur va naturellement corriger ce déséquilibre en forçant sur la barre afin d’essayer de suivre son cap et d’aller tout droit.
L’axe en question lorsque l’on parle de voilier mou ou ardent s’appelle « l’axe de lacet« .
Un voilier est ardent en particulier lorsque le centre de voilure est en arrière du centre de dérive.
Un voilier est mou en particulier lorsque le centre de voilure est en avant du centre de dérive.
Ce principe est facile à comprendre sur une planche à voile. En effet sur ce support, c’est l’orientation du gréement vers l’avant ou vers l’arrière qui permet de changer de direction. Si j’oriente mon gréement (ma voile) vers l’avant, j’avance le centre de voilure et donc => l’axe de mon flotteur va s’éloigner de l’axe du vent (la planche abat).
À contrario, si j’oriente mon gréement (ma voile) vers l’arrière, je recule le centre de voilure et donc => l’axe de mon flotteur va se rapprocher de l’axe du vent (la planche lofe).
Les efforts augmentent avec la vitesse
En effet, la vitesse décuple les forces qui génèrent cet équilibre. Il en va donc de même pour les efforts sur le matériel, mais aussi sur les bras du barreur lorsqu’il utilise une barre franche.
Ces efforts, lorsqu’ils sont importants, doivent amener le marin averti à se poser des questions. Sur ses réglages de voile et la position de son gréement en particulier. Il doit alors se rappeler que sur un voilier ardent, le centre de voilure est trop en arrière.
En tout cas, ces efforts doivent rester acceptables pour ne rien casser ou fatiguer à outrance !
La plupart des voiliers sont ardents
C’est en effet souvent le cas. Et plus le vent forcit, plus la vitesse augmente plus le phénomène s’accentue. Si barre est « dure », soit votre safran n’est pas bien positionné (ce qui arrive en voile légère lorsque le safran n’est pas descendu à fond) soit vous avez…un voilier ardent et donc trop de puissance à l’arrière du voilier.
Il faut donc prendre des ris, réduire la voilure derrière ! Souvent, les réductions de voilure sont prises trop tard lorsque le vent forcit. De plus, tant que c’est possible, il ne faut pas hésiter à avancer le centre de voilure pour rééquilibrer le voilier.
Il y a un autre facteur qui a tendance à rendre les monocoques ardents :….La gîte ! En effet, la forme de la carène (pointue vers l’avant) va faire « glisser » ou « déraper » le voilier qui gîte vers le vent. Plus il gîte, plus il va vouloir lofer, se rapprocher de l’axe du vent. On parle lorsque c’est incontrôlé de « départ au lof ».
Pour préserver son matériel, il convient donc de maîtriser la puissance de son voilier, de maintenir une gîte constante, de ne pas naviguer sur-toilé. Garder à l’esprit que les contraintes qui s’appliquent sur le matériel sont importantes. Et ce même si on ne les ressent pas physiquement : Ce qui est particulièrement valable sur les récents voiliers de croisière de série qui ne sont pas conçus pour battre des records de vitesse, de robustesse ou de fiabilité.
Qu'en est il sur les voiliers plus grands ?
Sur les voiliers de plus de 10 ou 11 mètres, les efforts sur la barre sont souvent réduits par des renvois de drosses et des systèmes hydrauliques.
De plus, ces voiliers sont équipés de puissants pilotes automatiques que certains plaisanciers les utilisent en permanence. Les plaisanciers inexpérimentés peuvent alors aller droit et suivre un cap sans effort physique même si le voilier est très ardent et très mal équilibré. Il faut un sacré parc de batterie dans ce genre de situation, car le pilote automatique travaille alors beaucoup.
Le problème, c’est qu’exercer ainsi de considérables efforts sur le pilote et le reste de l’appareil à gouverner sans s’en rendre compte peut tout simplement mener vers…la casse…
Perdre sa capacité à manœuvrer peut bien sûr mener ensuite à la perte totale du navire, si c’est au mauvais endroit au mauvais moment.
Et d’après ce que je vois en mer et lis dans les magazines et autres forums, ce genre de situation ne semble pas vraiment exceptionnelle. Malheureusement, cela arrive !
D’autant plus que les safrans « modernes » sont, à mon avis, beaucoup trop fragiles !
Moralité, il faut savoir équilibrer son voilier !
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme