Aujourd’hui, je vais vous parler d’un élément important de sécurité à bord, l’AIS, acronyme d’Automatic Identification System.

Le principe est simple et utilisé depuis longtemps, en particulier dans les avions.

Vous installez un petit appareil qui émet, par le biais d’une antenne, des informations sur votre navire, en particulier son nom, sa position, sa route et sa vitesse.

Ce même appareil, par le biais de la même antenne, reçoit ces mêmes informations émises par les navires environnants.

Donc comme il connait votre route, votre vitesse, et celle des autres, il peut calculer les routes de croisement ou de collision. Il calcule ce qu’il appelle le CPA, le Closest Point of Approach, c’est à dire le point le plus proche duquel les navires se croisent, et le TCPA, pour Time to Closest Point of Approach c’est-à-dire, le temps avant d’arriver au CPA.

Par exemple, vous vous dirigez à 12 nœuds vers le 45° et un autre navire est à 20 nœuds vers le 315°. L’AIS calcule vos routes et vous indique alors le CPA, par exemple 0,3 MN, et le TCPA, disons 10 minutes. Si vous le sélectionnez, vous pouvez également afficher d’autres informations émises par l’autre navire, son nom, son type (si c’est un navire de pêche, un voilier, un cargo, un pétrolier…), ses ports de départ et de destination, sa longueur, son tirant d’eau…

Ces informations vous indiquent surtout le niveau de risque (un CPA proche de zéro indique une route de collision), vous donnent beaucoup plus de temps pour réfléchir et réagir que si vous ne les aviez pas, et si besoin, la possibilité de contacter, en l’appelant pas son nom, l’autre navire.

En mer, en pratique, je trouve ça juste génial.

Navire sur l'AIS
Porte container au large

Loin des côtes, nous avons croisé deux fois ce navire de très près, dont une de nuit !

L’outil est d’autant plus utile que les navires sont rapides. En effet, lorsque deux navires rapides arrivent à portée visuelle l’un de l’autre (surtout si leurs routes se font face), il ne reste que quelques petites minutes avant que leurs routes ne se croisent.

L’AIS permet de voir et d’être vu à plusieurs dizaines de kilomètres aux alentours, c’est-à-dire bien avant que l’œil humain ne puisse voir quoique ce soit. En particulier la nuit. Si les antennes sont placées suffisamment en hauteur, la portée peut largement atteindre 30 MN, plus de 50 kilomètres.

Cet outil dispose de nombreux réglages qu’il faut comprendre et apprivoiser pour bénéficier pleinement de son usage. Cela demande un peu de patience.

Vous pouvez régler le déclenchement d’une alarme sonore, mais le réglage de cette alarme est à peaufiner régulièrement en fonction de l’endroit où vous vous trouvez, en particulier en fonction du niveau de risque, de votre propre vitesse et du nombre de navires autour de vous.

Les grands débats autour de l'AIS

Sachez que l’AIS est obligatoire sur tous les navires professionnels.

Mais, à l’heure actuelle (mi-2023), il ne l’est toujours pas sur les navires de plaisance en France.

Pourtant, dans certains pays, tous les bateaux sans exception au-dessus d’une certaine taille, doivent avoir à bord un AIS émetteur allumé en permanence, même au mouillage.

Car, les autorités veulent pouvoir suivre les navires.

En fait, il existe un autre matériel qui permet de suivre les navires. Je pense bien sûr au RADAR, dont je vous parlerai plus en détail dans un autre article.

Aucun navire normal ne peut échapper au RADAR, mais celui-ci indique simplement qu’il y a quelque chose, il ne dit pas de qui il s’agit, ni où il va.

L’AIS obligatoire permet donc aux autorités d’identifier facilement les navires qui ne se conforment pas aux règlements, par exemple pour protéger des zones de pêches, pour lutter contre les trafics en tout genre, ou pour prévenir les actes de piraterie.

S’ils voient un navire sur le RADAR qui n’émet pas en AIS, ils peuvent rapidement envoyer un moyen aérien ou nautique de contrôle et vérifier ce qui se passe.

Et c’est là que beaucoup de plaisanciers ne sont pas d’accord, ils ne veulent pas être tracés, suivis.

Cela se comprend, évidemment, et ce débat alimente régulièrement les discussions entre plaisanciers. Ce débat n’est pas l’objet de cet article, dans lequel, de toute façon je donne déjà mon avis sur ce matériel que j’apprécie beaucoup et qui nous a déjà été très utile, à plusieurs mémorables reprises.

Voilier catamaran croisé au large
Bateau qui nous fonce dessus

Quatre solutions pour s'équiper d'un AIS

Concernant le matériel en lui-même, sachez qu’il existe, comme pour beaucoup de matériel électronique, une tendance : La concentration autour d’un écran multifonction.

Ces écrans coûtent un bras (plusieurs milliers d’Euros) et les marques nous poussent à fond dans cette direction, bien sûr.

Donc pour s’équiper d’un AIS, il y a au moins quatre cas de figure :

  • Premier cas de figure, vous avez déjà un écran multifonction, ou prévoyez de toute façon d’en acheter un. Dans ce cas, il vous faut un boitier AIS (et une antenne), que vous allez connecter à cet écran. Simple, facile, rapide. Ce qui est top dans ce cas de figure, c’est de pouvoir superposer les images de la carte marine (le GPS), du RADAR, et de l’AIS sur un même écran
  • Deuxième cas de figure. Vous n’avez pas d’écran multifonction et pas très envie d’en acheter un. Vu le prix de ces écrans, cela se comprend parfaitement. Alors dans ce cas, il vous faut un AIS autonome et complet comme le nôtre, qui dispose de son propre écran, et dont je vous parle un peu plus loin. Lui aussi il lui faudra une antenne, bien sûr, mais au moins il fonctionne dans son coin. Quand on aime les solutions simples et qu’on ne veut pas se ruiner, c’est une bonne solution. Mais attention il n’affichera pas la carte marine, et ce genre de matériel indépendant a tendance à disparaître des rayons…Comme je vous le disais, à tort ou à raison, c’est un fait, les fabricants VEULENT que nous achetions un écran multifonction
  • Troisième option, il existe des boitiers AIS qui émettent les informations en WIFI. Vous pouvez alors les récupérer sur le matériel que vous utilisez déjà pour afficher vos cartes marines, tablette, téléphone ou PC. Ces boitiers AIS peuvent aussi être connectés en filaire, éventuellement plus tard, à un écran multifonction, de n’importe quelle marque si le matériel n’est pas trop ancien. Car heureusement, les fabricants partagent dorénavant une norme (qui s’appelle NMEA 2000) qui permet de les rendre compatibles entre elles. En tout cas, cette solution est sûrement la moins chère, mais je ne l’ai pas testée. Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai lu quelques avis négatifs…Alors, renseignez-vous bien pour savoir si cela fonctionne correctement, il y a un peu de tout sur le marché…
  • Et dernière option, qui sera sûrement la meilleure pour certains, vous pouvez acheter une radio VHF qui fait à la fois radio, bien sûr, mais aussi AIS. Une solution que je n’ai pas testée mais qui me semble intéressante. Ce que je vois à priori comme principal inconvénient, c’est la très petite taille de l’écran, il vaut mieux avoir de bons yeux pour utiliser ce genre de matériel. Avant l’achat, je vérifierai qu’il est facilement compatible NMEA 2000 pour qu’il puisse être, éventuellement, connecté à un écran multifonction. Et le top, mais je ne sais pas si cela existe, ce serait qu’il soit possible de s’y connecter en WIFI pour pouvoir récupérer les infos de l’AIS sur un autre appareil, par exemple une tablette ou un téléphone avec une application de navigation compatible. Une solution à étudier donc !

Cela vous donne pas mal de solutions, je vous souhaite de bonnes réflexions…

L’écran multifonction est un gros investissement – Ce n’est pas la seule solution

Un mot au sujet de l'antenne

Comme il s’agit de la même antenne que pour une radio VHF, il existe ce que l’on appelle un « splitter » d’antenne (en Anglais to split veut dire « séparer »). Celui-ci permet d’utiliser la même antenne pour la radio et l’AIS. Certains splitter d’antenne sont alimentés, pour « booster » la puissance du signal.

Mais de mon point de vue, ce n’est pas la meilleure solution, et sur notre bateau, je n’ai pas installé de splitter pour deux raisons :

  • La première. Afin de conserver toute la puissance, les 25 watts, (et donc toute la portée disponible) de ma radio VHF : je préfère garder mon câble de radio intact, sans coupure ni appareil au milieu, d’un seul tenant de l’antenne à la radio elle-même, un câble intact, avec seulement deux embouts de connexion
  • La deuxième raison, c’est que pour le prix d’une antenne VHF (entre 100 et 150 euros), j’ai préféré en installer une nouvelle sur le portique de FIDJI. Comme ça, si pour une raison où pour une autre nous perdons le mât sur lequel se trouve l’autre antenne, il nous en restera une, fonctionnelle et suffisamment bien placée pour émettre assez loin. Pour changer d’antenne, il suffit d’intervertir les prises derrière ces appareils, que j’ai installés côte à côte pour que la manip’ soit facile. Bref, vu qu’un splitter consomme de l’énergie en plus et coute pratiquement le prix d’une antenne neuve, pour moi, il n’y a pas photo : j’ajoute une antenne dédiée.

L'usage de notre AIS, à bord de FIDJI

De notre côté, nous avons acheté notre AIS en 2015, il s’agit d’un VESPER-MARINE Watchmate 850 . Il a donc ses antennes GPS et VHF dédiées, rien que pour lui, sur le portique.

Nous en sommes hyper contents.

Mais attention, il n’affiche pas de carte marine et nous indique « seulement » la position des autres navires autour de nous. Je m’en sers essentiellement pour m’aider à les repérer ensuite visuellement, il m’est d’une grande aide. Encore une fois, la nuit, lorsque nous sommes crevés, que la météo est mauvaise et qu’on n’y voit rien, c’est vraiment formidable de savoir où sont et ce que font les navires autour de vous, si vous vous apprêtez à croiser leur route.

Pourquoi je n’ai pas connecté notre écran multifonction à notre AIS

En 2022, à cause du nouveau RADAR que nous voulions installer pour repartir vadrouiller à travers les océans, nous avons été contraints d’acheter un écran multifonction.

Nous n’avions plus le choix. Aujourd’hui, en plaisance, pour afficher une image RADAR, il faut cet écran. Mais c’est une autre histoire, que je vous raconterai une autre fois.

En tout cas, je pourrais connecter notre AIS à l’écran multifonction, via un petit boitier, qui s’appelle Actisense.

Mais je ne l’ai pas encore fait car j’apprécie particulièrement l’usage que je fais actuellement de notre AIS, sans oublier qu’il consomme très très peu d’énergie, presque rien, en tout cas beaucoup moins que ce fameux écran.

En voyage, l’AIS Watchmate me sert d’alarme de mouillage, il est très efficace.

Il permet également à nos proches de nous suivre, par le biais d’applications collectant les données AIS, comme Marine Traffic par exemple.

La sécurité au mouillage

L’AIS nous sert d’alarme de mouillage – Nous dormons sur nos deux oreilles !

L’AIS permet à nos proches de suivre notre progression sur « Marine Traffic »

Cette application est top, si vous ne la connaissez pas, allez y jeter un œil c’est impressionnant, et si vous voulez trouver un navire (il faut bien sûr qu’il soit doté d’un émetteur AIS), il vous suffit de connaître son nom ou mieux, son MMSI, le numéro d’identifiant international.

Aujourd’hui, notre écran multifonction, même s’il est équipé de la carte SD qui va bien, avec toutes les cartes marines nécessaires pour notre voyage, n’est allumé que lorsque nous utilisons le RADAR. C’est actuellement son seul usage.

En effet, il est bien plus commode d’utiliser une tablette, ou même un bon téléphone comme traceur lecteur de carte, sans oublier que la qualité de l’image et la fluidité de fonctionnement de ces appareils sont largement supérieures aux écrans multifonctions.

Donc, si je connectais notre AIS à notre écran multifonction, et si je voulais l’utiliser comme je le fais actuellement, je serais contraint de le laisser allumer en permanence, y compris la nuit. Ce qui serait un beau gaspillage d’énergie.

En ce qui me concerne, pour le moment, je préfère donc m’en tenir à mon AIS autonome, indépendant du reste de l’installation.

Mon avis sur les AIS "à réception" seule

Un mot pour finir, pour répondre aux plaisanciers qui veulent bien recevoir les signaux AIS, mais ne veulent pas émettre, et du coup s’équipent de boitier qui ne fonctionnent qu’en réception.

Mon avis c’est que vous vous privez d’un matériel de sécurité absolument génial, en particulier la nuit. Voir c’est bien, mais être vu c’est bien aussi. Sinon, pourquoi vous équiper de feux de navigation ?

C’est le même principe.

Être vu.

De plus, il y a de fortes probabilités pour que dans un avenir assez proche, l’émetteur – récepteur AIS devienne obligatoire pour tous les navires au-dessus d’une certaine taille, et cela me parait justifié.

Personnellement, je n’ai généralement aucun problème avec le fait que l’on puisse savoir où je me trouve, et si pour une quelconque raison je ne veux plus émettre, et bien, c’est facile, je n’ai qu’à couper l’appareil, tout simplement.

En tout cas, je vois les autres navires et c’est parfait, mais c’est tout aussi parfait et rassurant de savoir que nous apparaissons clairement sur l’écran de navigation des divers navires que nous croisons, qui sont parfois bien gros et bien rapides. Surtout nous, qui nous baladons à bord d’un voilier de 12 mètres, nous sommes si petits par rapport à certains navires…

Navire Spirit of Tasmania

Ce ferry circule entre Melbourne et la Tasmanie, à 30 nœuds !

Gros porte container

Donc en conclusion, pour répondre à cette question « avez-vous besoin d’un AIS à bord », je répondrais que si vous naviguez en plaisance, uniquement de jour, sans jamais avoir besoin de tenir de quarts, sans jamais quitter la zone côtière, et toujours en dessous de 6, 7 ou 8 nœuds, vous pouvez peut-être vous en passer. À vous de voir.

Cela dit, pour les autres, je considère aujourd’hui ce matériel, l’AIS récepteur ET émetteur, comme indispensable, en tout cas, au moins autant qu’une radio VHF et qu’un GPS.

Mais attention, en mer il ne faut pas oublier de rester vigilant, car tout le monde n’émet pas forcément, certains éteignent l’AIS, ou ne veulent tout simplement pas utiliser ce matériel.

Très bonnes navigations à tous, et à bientôt !

Patrick Belliot

PS : Pour la première fois, j’ai enregistré cet article pour en faire une vidéo sur Youtube ! La voici :