Aujourd’hui je souhaite faire passer l’appel à vigilance des secours en mer et partager le communiqué de presse de la Préfecture Maritime Atlantique. En effet, même si dans l’année c’est évidemment au mois d’août que les secours en mer sont le plus sollicités, il semble que cette année les records soient battus.
La VHF crépite
Lors de notre croisière de début août, entre le Morbihan, la Loire-Atlantique et la Vendée, j’ai été particulièrement impressionné par le nombre d’appels à la VHF (pour ceux qui ne le savent pas, c’est une radio). Les messages « Pan Pan », « Mayday » et autres « Mayday Relay » se sont succédé les uns après les autres, je n’en revenais pas : Les secours en mer étaient hyper sollicités.
J’ai mis mon étonnement sur le compte du fait que je navigue les ¾ de l’année dans le nord de la Nouvelle Calédonie. Là-bas, il ne se passe pas grand-chose à la radio et on peut aller jusqu’à oublier que la VHF est allumée car elle est très silencieuse.
Lors de cette croisière dans le Morbihan, je me suis donc dit que je devais peut-être à nouveau m’acclimater à cette radio VHF qui dans nos régions ne nous laisse pas de répit.
Un nombre d’intervention hors normes
Mais grâce à ce communiqué de la préfecture maritime, j’ai pu constater qu’en fait mon petit doigt, qui me disait que quelque chose ne tournait pas rond, avait raison : Cela ne tourne pas rond !
Extrait du communiqué : « Pour la seule journée du samedi 5 août, pas moins de 60 opérations ont été coordonnées dont 13 dans le cadre de la pratique de la voile légère (dériveurs, catamarans) ……Les équipages ont pour l’essentiel fait preuve de manque de savoir-faire (mauvais réglage des voiles, incapacités à manœuvrer ou à redresser l’embarcation après son chavirement)…. ».
60 opérations en une seule journée ! Et c’est sans parler des autres jours, on a tout entendu à la VHF : Du catamaran de plage chaviré au bateau à moteur à la dérive, du voilier coulé avec son skipper accroché sur le mat qui dépasse (véridique voir cet article), du skipper gravement blessé à la tête au surfer dont on est sans nouvelle « depuis 10 heures ce matin » , sans oublier les collisions comme celle-ci entre un voilier et un pêcheur-fileyeur à Noirmoutier (voilier de 11 mètres coulé) ou celle-là entre une vedette à moteur et un voilier à Houat…(blessé grave, hélitreuillage, etc..) ou encore les personnes à pied qui se retrouvent coincées pas la marée montante…
Que provoque ce genre de situation ? Et pourquoi ?
Il semble évident que dans la grande majorité des cas, la cause de ces interventions soit liée, d’une façon ou d’un autre, au manque de compétences des usagers. Ainsi qu’au fait de prendre la mer et la nature en général à la légère…Se lancer sur l’eau sans respecter les plus élémentaires règles de sécurité, parce qu’on est inconscient des risques encourus…
Ce genre de situation va donc provoquer de la peur, éloigner encore plus les gens du monde de la mer. Certains médias n’hésitent pas à en rajouter sur le thème la mer c’est froid, ça bouge, ça fait peur, c’est dangereux…Mais je ne suis pas d’accord ! La montagne par exemple est bien plus imprévisible et dangereuse.
En mer, il suffit de respecter quelques consignes de sécurité élémentaires, (consulter l’annuaire des marées, prendre la météo…) et d’avoir quelques notions de base pour se faire plaisir. C’est facile !
Alors que faire ? Faire payer, faire de la répression ? Arrêter d’aller en mer ?
Cette solution qui consiste à faire payer les interventions autres que pour sauver des vies humaines (comme le remorquage) est une option qui a été mise en place il y a quelques années maintenant, je serais plutôt pour d’ailleurs.
Mais on voit bien que cette option a ses limites.
Car on imagine bien l’usager débutant qui se fait peur en mer et qui en plus doit payer une belle somme pour le remorquage de son embarcation. Qu’est-ce qu’on veut ? Le dégoûter complètement ? Qu’il vende son embarcation, tire une croix sur son rêve/projet et passe à autre chose ? Ne serait-ce pas mieux de le convaincre ou de l’aider à acquérir suffisamment de compétence et de confiance en lui pour y retourner ? Franchement !
Faire payer est en tout cas une solution de facilité qui ne résout pas grand-chose, le constat est bel et bien là en 2017.
Qui est responsable de cette situation ?
Les responsables sont évidemment nombreux ! D’abord les autorités publiques qui n’alertent pas suffisamment, qui ne font pas assez de campagnes de préventions, qui ne proposent pas de formations qui tiennent la route. Mais en ont-elles les moyens ?
Ensuite les médias. Quand par exemple, je lis cette phrase, dernièrement dans Ouest France : « Un voilier chavire et coule en tentant de virer de bord au large de Pornichet », j’en déduis que le journaliste n’a strictement aucune notion : Ce genre de phrase va juste éloigner les gens de la mer. Si quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il a voulu dire n’hésitez pas, on ne coule pas parce qu’on vire de bord à ce que je sache ?
Ensuite les professionnels dont je fais partie : Nous devons expliquer et ré-expliquer à ceux qui prennent la mer à la légère qu’ils doivent se former correctement ! Quant aux loueurs, ils ne doivent pas louer à n’importe qui, et s’agissant de la location de bateau entre particuliers, on est en droit de se poser de sérieuses questions sur la chose quand même.
Pour finir, les pratiquants eux-mêmes sont bien sûr responsables également : Se responsabiliser, s’informer, se former !
Encore et toujours, la FORMATION
Il va falloir comprendre, promouvoir et accepter que pour prendre la mer, même sur une embarcation légère, il faut des notions de base et du matériel en bon état. La formation est plus simple qu’il n’y paraît, elle est rapide et source de PLAISIR ! À condition de bien choisir vos interlocuteurs, comme dans tous les domaines de la vie.
En ce qui concerne la voile, si vous voulez savoir ce que j’entends par notions de base, vous pouvez jeter un œil à la page formation de ce site internet.
Concernant la voile légère et la plaisance à moteur
Je vais laisser la parole à la préfecture et tout simplement insérer ici le fameux communiqué de presse :
10/08/2017
Depuis le début de la période estivale, et notamment à compter de la mi-juillet, les CROSS Corsen et Étel (Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage), responsables de la coordination des missions de recherche et de sauvetage en mer sur la façade Atlantique, ont engagé des moyens de secours maritimes et aériens pour de nombreuses interventions qui auraient pu être évitées.
Incertitudes, fausses alertes, méconnaissance de l’environnement marin et expérience insuffisante caractérisent les causes de ces interventions. Trop d’usagers de la mer et du littoral pratiquent des loisirs nautiques sans connaître ou sans appliquer les règles de base pour évoluer en toute sécurité, dans le respect des autres usagers.
Pour la seule après-midi du lundi 7 août, le CROSS Corsen a ainsi reçu 17 alertes pour des événements dus à des avaries de matériel, au manque d’information des personnes restées à terre, ou à des isolements par la marée.
Du côté du CROSS Étel, pour la seule journée du samedi 5 août, pas moins de 60 opérations ont été coordonnées dont 13 dans le cadre de la pratique de la voile légère (dériveurs, catamarans). Dans ces derniers cas, les équipages ont pour l’essentiel fait preuve de manque de savoir-faire (mauvais réglage des voiles, incapacités à manœuvrer ou à redresser l’embarcation après son chavirement).
La préfecture maritime de l’Atlantique rappelle donc qu’avant chaque départ pour une activité nautique, les usagers de la mer et du littoral doivent impérativement adopter un comportement responsable basé sur la prudence, la vigilance, le respect strict des consignes de sécurité en vigueur, mais aussi sur la protection de l’environnement et la bonne prise en compte du milieu marin dans lequel l’excès de confiance est un danger permanent.
Il est notamment conseillé de :
- S’informer sur les conditions météorologiques et les données liées à la marée (horaires, coefficient, force des courants dans la zone), même à faible distance des côtes ;
- Vérifier la validité des équipements de sécurité et particulièrement des fusées rouges ;
- Avoir dans une pochette étanche des feux à mains clignotants afin d’être repérés plus rapidement par les secours ;
- Privilégier des vêtements de couleur vive car ils facilitent les recherches en mer ;
- Prévenir quelqu’un à terre de l’heure de son départ et de son heure estimée de retour (et penser à l’avertir en cas de changement de programme, afin d’éviter inquiétude et fausse alerte) ;
- Equiper tous les membres d’équipage ou les passagers de gilets de sauvetage ou vêtements à flottabilité intégrée (VFI) dès la montée à bord et durant toute la navigation ;
- Disposer d’un moyen de communication : VHF ou téléphone portable dans une pochette étanche.
SUR LE LITTORAL OU PRES DES CÔTES : LE NUMERO DE TELEPHONE 196 PERMET D’ÊTRE DIRECTEMENT EN LIEN AVEC UN CROSS (CENTRE RÉGIONAL OPÉRATIONNEL DE SURVEILLANCE ET DE SAUVETAGE)
Enfin, le guide des loisirs nautiques en mer, sécurité et environnement est disponible au téléchargement en cliquant sur ce lien
Ainsi que sur le site de la préfecture maritime de l’Atlantique : www.premar-atlantique.gouv.fr
Deux hommes à la mer sur le même voilier
Pour finir, voici un récit venant tout droit de la page Facebook de la SNSM (Société Nationale des Sauveteurs en Mer). Il relate comment elle a repêché, de nuit, deux personnes tombées à la mer de la même embarcation…Une mésaventure qui mériterait de faire savoir comment ça s’est passé et surtout : Pourquoi l’équipier resté à bord n’a pas été en mesure de les récupérer lui-même rapidement…
Samedi 05 Août 2017 à 21H20, Le CROSSMED mobilise l’équipage des sauveteurs en mer du Cap d’Agde, pour le sauvetage de deux personnes passées par-dessus bord d’un voilier de 12.00 mètres, à environ 10 milles nautiques dans le sud-est du cap d’Agde (environ 18 kilomètres).
La dernière personne restante à bord du voilier duquel elles sont tombées à l’eau a juste eu le temps de leurs jeter une bouée fer à cheval avant de les perdre de vues…
Des vies humaines sont en jeu, et nous allons mettre une urgence particulière à intervenir : L’équipage de la SNS 211 appareille et file à plus de 25 nœuds sur la position signalée par le voilier.
Pendant le trajet quelque peu mouvementé, à cause de l’avis de grand frais en cours (Avec grains orageux), l’ensemble de l’équipage est extrêmement concentré… les nageurs de bord s’équipent, les canotiers sont en surveillance sur le pont, à la vigie, le radio navigateur prépare la zone de recherche sur ordinateur pendant que le patron est à la barre.
La nuit étant déjà tombée, l’équipage utilise tout l’équipement de recherche dont dispose la SNS 211 :
-Jumelles à vision nocturne
-Radar
-Logiciel de navigation
-Projecteurs
L’hélicoptère de la sécurité civile « DRAGON 34 » viendra aussi compléter le dispositif de recherche.
C’est la lampe flash disposée sur la bouée fer à cheval qui permettra de sauver la vie des deux naufragés.
En effet, c’est grâce à ses éclats lumineux, visibles à plusieurs kilomètres, que les sauveteurs les localiseront.
Une fois près d’eux, deux nageurs de bord sont mis à l’eau pour prendre en charge les naufragés et les ramener à bord de la SNS 211 ou ils seront réchauffés et réconfortés, car ils auront tout de même passé plus d’une heure dans une eau a 22° rafraîchie par la tramontane.
Un canotier sera par la suite transbordé sur le voilier pour assister la personne restée seule à bord, pour effectuer ensuite le retour vers le port du Cap d’Agde escorté par la SNS 211 qui durera tout de même plus de 4 heures.
Saines et sauves, mais en état de choc, les deux victimes ont été prises en charge par les sapeurs-pompiers d’Agde et transportées à l’hôpital afin d’effectuer un bilan complémentaire…
Fin de mission : 04h00
Équipage : Régis BRESSON (Patron), Lionel ROQUE (Patron suppléant), Teddy PERRIN (Patron suppléant) Serge GADI (Nageur de bord), Viktor PROSOROVSKY (Nageur de bord), Gregory HAUTIER (Nageur de bord), Thierry BOURRU (Canotier)
Conclusion
Souvent, je me répète, j’ai l’impression de prêcher pour ma paroisse, comme si je vendais un produit bien précis, de la lessive, des imprimantes ou des chaussettes. Mais quand je demande aux usagers de la mer de se former ce n’est pas pour moi. Si en fait c’est un peu pour moi : Parce que j’aime partager la mer avec des gens qui la respectent et qui admettent qu’on ne prend pas la mer sans les savoirs de base et le matériel adapté. On embarque dans une voiture sans se poser moultes questions une fois que l’on sait conduire, mais ça s’apprend. Comme tout ! En mer on apprend toujours. Quand on aime ce milieu ce n’est pas un problème, au contraire.
En tout cas il faut avoir envie et aimer apprendre, sinon quel intérêt ?
Par exemple, savoir récupérer un homme à la mer est une compétence indispensable à tout skipper qui se respecte et respecte son équipage, qu’en pensez-vous ? Pour savoir faire ça, il faut savoir faire d’autres choses au préalable et cela ne s’apprend pas dans les livres (qui d’ailleurs disent souvent n’importe quoi sur cette manœuvre, en particulier : Le code Vagnon). Cette manœuvre, il faut la pratiquer et la réussir à tous les coups : Cela s’apprend. Encore une fois, je vous renvoie à la page formation avec cinq niveaux voile en détail, pour ceux que ça intéresse. N’hésitez pas à commenter et merci de partager cet article s’il vous a plu !
Pour finir et pour ceux qui veulent aller plus loin, je joins le bilan 2016 du CROSS(A) d’Étel, (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (Atlantique)), dont la zone de responsabilité s’étend de la Pointe de Penmarc’h à la frontière Espagnole :
Bon vent à tous, prenez la mer sereinement !
Patrick Belliot
Mata’i Nautisme