Nous sommes dorénavant mi-mars 2009, les jours passent vite et il nous faut penser à retourner bientôt en Martinique où la compagnie Switch compte sur nous à la fin du mois.
Mais avant de retrouver le boulot, le cul de sac du Marin et les gros catamarans, nous voulons faire escale à Marie Galante, Saint François et Petite Terre, un très beau programme en perspective !
Commençons par mettre le cap sur cette île au nom bien sympathique !
Marie Galante
Marie-Galante fait partie du département de la Guadeloupe, elle est donc elle aussi Française.
L’île porte un surnom, « la Grande Galette », car elle est pratiquement toute ronde.
Marie Galante – Vue Google Earth
Des plages, comme celle de la Feuillère à Capesterre, sont protégées par un récif corallien et nous profitons du spectacle sous-marin avec nos masques et tubas.
Nous décidons de rester quelques jours au mouillage. Personne autour de nous, on se ressource, on lit, on écrit, on écoute France Inter, Là-bas si j’y suis, etc…
On se baigne avec plaisir et de temps en temps on descend à terre pour donner des nouvelles à nos familles et pour faire quelques courses.
Au moins on est prévenu !
En ligne avec mon frangin ! Il y avait encore des cabines à l’époque !
Balade en ville – À Saint Louis
Un deux-roues à moteur pour tout visiter
Pour visiter l’île, nous louons un scooter ! On s’éclate sur les routes de Marie Galante, à 65 km/h dans les descentes, à 2 km/h dans les montées (plutôt raides), qui nous obligent à monter à pied chacun notre tour ! Ce scoot’ manque de puissance, mais on rigole bien.
Et l’ile étant petite et ronde comme une crêpe, impossible de se perdre.
Grâce à un astucieux parcours, nous verrons à la fois la côte et ses plages, et le centre, où la canne à sucre est reine.
Les plages sont magnifiques, les couleurs superbes, les Bougainvilliers n’en peuvent plus ! Et ici tout le monde nous dit bonjour, même quand on passe avec le scooter. Les jeunes, les vieux, tout le monde !!! On adore. Les gens sont beaux ! Rien de tel qu’un sourire pour nous mettre le cœur en joie !
Photo artistique à Marie Galante
Donne du rhum à ton homme
Les Antilles, c’est une évidence, distille les meilleurs rhums du monde. De la Martinique à la Guadeloupe nous nous sommes laissés séduire : Dillon, Neisson, JM, Depaz, Saint James, Clément, Trois Rivières, HSE, et bien d’autres encore. Rhums blancs ou rhums vieux, rhums arrangés ou en cocktails, il y a de quoi faire.
En ce qui concerne Marie Galante, nos favoris sont les rhums Bielle et Père Labat.
Nous le retrouvons avec plaisir, le consommons sous toutes ses formes, et c’est délicieux ! Attention tout de même à ne pas le boire comme du petit lait, c’est un véritable piège… On finirait vite avec le cerveau rétréci et le foie dilaté !
À noter que c’est assez original de nommer un rhum « Père Labat ». En effet, le Père Jean-Baptiste Labat, (1663-1738), était un missionnaire dominicain, certes botaniste, ethnographe, technicien, écrivain et auteur de célèbres récits de voyage, mais aussi colon, planteur esclavagiste et militaire. Il a laissé des traces dans le vocabulaire créole car aujourd’hui encore, le terme « pèrlaba » qualifie un esprit malin !
Visite d’Habitation Murat
On continue la balade. Ce n’est pas « la route du rhum » mais la route des rhums !
Nous arrivons à l’Habitation Murat, une ancienne habitation sucrière de la fin du XVIIIe siècle. C’était une grande exploitation qui fût, avec ses 307 esclaves et ses 9 chaudières, la plus grosse plantation de canne à sucre de Guadeloupe.
Les propriétaires de l’époque devaient être fortunés car l’architecture du château et du moulin est une réussite. La légende prétend que ce serait Jeanne LABALLE, ancienne élève des beaux-arts, épouse de Dominique MURAT, qui aurait dessiné le château. L’entrée principale indique la date de construction et les propriétaires : « DE Murat : Fécit 1814 ».
Aujourd’hui, le château Murat est devenu « l’Ecomusée des Arts et Traditions populaires de Marie-Galante ». Il appartient au Conseil général qui a entrepris d’importants travaux de restauration. Ainsi le lieu devient lieu de mémoire et nous traversons un passé à deux facettes : les trois siècles de l’histoire sucrière passionnante de la Guadeloupe mais aussi celui, bien plus dérangeant, d’une période esclavagiste à l’époque coloniale.
Habitation Murat – Marie Galante
Les étapes de la fabrication du Rhum agricole artisanal
Le Rhum agricole est le résultat de la distillation du jus de la canne à sucre, le « vesou » et son goût est plus fin que le Rhum industriel. C’est un Rhum de dégustation !
Pour fabriquer du Rhum il faut de la canne à sucre. Et il en pousse beaucoup dans les Caraïbes. La canne à sucre était déjà utilisée par les « horticulteurs » de la préhistoire. Elle fut diffusée par les Arabes au 8ème siècle et emmenée en Amérique par Christophe Colomb.
C’est une grande herbe vivace dont on utilise la partie aérienne. Aujourd’hui encore on utilise la technique de coupe du Père Labat pour la récolter une fois par an pendant la période sèche, entre les mois de janvier et juin.
Les cannes sont aussitôt acheminées à la Distillerie. Les laisser se dessécher au soleil nuirait à la qualité du Rhum.
Là, on les broie, après les avoir débitées en morceaux d’un mètre maximum, dans des rouleaux cylindriques en fontes. Elles libèrent alors leur jus sucré et parfumé, matière première de la fabrication du Rhum Agricole.
Le déchet de la plante qui ressemble à de la paille, la « Bagasse », est brûlé dans la chaudière permettant d’obtenir la vapeur, source d’énergie pour la distillerie.
Le jus obtenu remplit de grandes cuves pour que commence la fermentation. Le sucre se transforme en alcool. C’est une opération naturelle. Elle est obtenue à l’air libre, grâce aux ferments spécifiques de chaque terroir. Cette fermentation dure 36 heures.
On obtient alors le Vin de Canne ou encore appelé « Vesou » qui va s’écouler vers la colonne de distillation où l’alchimie va produire le breuvage tant apprécié ! À votre santé !
Rhum Bielle – Marie Galante – 59 degrés !
Nous repartons pour Saint François en Guadeloupe
Ces trois jours à Marie Galante sont passés comme dans un autre espace-temps ?! Il nous semble que nous y sommes depuis bien plus longtemps. On s’y adapte très vite ! On y resterait volontiers plus longtemps, mais nous voulons profiter du temps qu’il nous reste pour découvrir d’autres lieux.
Alors on repart, et après seulement quatre heures de voile, nous jetons l’ancre dans le lagon de St François, vers l’extrême Est de la Guadeloupe, parce que c’est un spot réputé de planche à voile. Mais, manque de chance, le vent ne dépassera pas force 3, insuffisant pour s’envoler à nouveau à la surface de l’eau.
Au mouillage à Saint François
Nous passons trois nuits à St François, avec également un superbe accueil, en particulier celui de Dominique de la Capitainerie de la nouvelle marina.
Nous pouvons y effectuer quelques travaux de maintenance sur FIDJI et y passer des soirées bien douces à la terrasse du café.
« Allo la planète ! » Une émission qui nous ressemble
La radio accompagne nos journées, nous écoutons France Inter et apprécions toujours autant l’émission de Daniel Mermet, « Là-bas si j’y suis ». Nous aimons également retrouver l’émission animée par Éric Lange, « Allo la planète ».
Ce jour là, nous entendons dans l’émission un auditeur raconter son voyage en voilier dans l’ouest de la mer des Caraïbes. Comme il est en avance sur notre route, ses informations nous intéressent tout particulièrement ! Nous décidons alors d’appeler pour « lancer une bouteille à la mer », afin d’avoir des renseignements sur cette route, en particulier sur le passage au large du fleuve de la Magdalena en Colombie.
Apprenant que nous sommes « de grands voyageurs », l’équipe insiste pour nous avoir à l’antenne pour raconter tout ça. Et nous voilà en direct sur France Inter, depuis la Guadeloupe, en train de raconter notre aventure à des milliers d’auditeurs… Puis nous sommes conviés à donner régulièrement de nos nouvelles à l’antenne, ce que nous ne manquerons pas de faire !
Découverte de Petite Terre
J’attends le bon moment pour y aller, c’est à dire un jour où la houle et le vent sont calmes. J’y suis déjà allé en catamaran, et je sais que l’entrée peut être dangereuse, surtout avec le tirant d’eau de FIDJI.
Vu la météo, il y a une forte probabilité pour que nous y restions coincés quelques jours. Mais tant pis, il y a pire que d’être coincé à Petite Terre, et nous avons encore le temps d’attendre la prochaine accalmie ! Et je tiens ABSOLUMENT à montrer cet endroit à Isa !
Petite Terre se trouve à l’Est de la Guadeloupe. Il s’agit de deux petits îlots protégés en réserve naturelle : Terre-de-Haut, l’île au Nord où tout débarquement est interdit, (environ 200 m par 600 m) et Terre-de-Bas, la plus grande, qui se visite à pied, qui doit faire environ 800m de large par 4 km de long.
Archipel de Petite Terre – Guadeloupe
Elles sont d’origine corallienne, inhabitées, très sèches, battues par les vents d’alizés, pratiquement inviolées car dotées d’une dense, riche et piquante végétation. Elles sont entourées de corail, disposé tels des labyrinthes formant de nombreux lagons plus ou moins grands, bordées de plages paradisiaques. Les deux ilots sont séparés par un lagon dans lequel FIDJI, amarré sur un coffre, trône comme un roi, heureux de goûter à ce havre de paix. Il est interdit de jeter l’ancre, respect du corail, et peu de bateaux s‘aventurent jusqu’ici.
L’entrée dans ce lagon est peu profonde, il ne restait que 50 cm sous le bateau avec notre tirant d’eau d’1m90 quand nous sommes passés, et lorsqu’il y a de la houle, ça ne le fait donc tout simplement pas !
Sur la bouée derrière FIDJI nous faisons connaissance avec la sterne que nous baptisons « Ernestine » ! Elle nous amuse beaucoup avec son air de ne pas y toucher et ses cheveux noirs en bataille… c’est son fief et notre présence ne la dérange visiblement pas le moins du monde.
Ernestine
FIDJI à Petite Terre
Promenades sous l’eau et sur terre
Nous ne résistons pas à l’envie de nous plonger dans l’eau translucide. Palmes, masque et tuba, et c’est parti !
En quelques minutes nous croisons déjà un barracuda (qui va s’installer toute la durée ne notre séjour sous la quille de FIDJI), une raie et des centaines de poissons colorés, un jardin sous-marin magnifique.
Puis nous visitons à pied le parcours balisé autour du phare, jalonné de panneaux explicatifs très bien faits.
On apprend plein de choses à Petite Terre !
La falaise surplombant la barrière de corail offre un paysage grandiose !
On y trouve 94 espèces d’oiseaux différentes répertoriées ! Et aussi la plus grande concentration d’iguanes des Antilles, et une immense diversité marine. Il a fallu quelques milliers d’années pour que se crée Petite Terre, née du corail qui s‘amoncelle doucement, et finit par former une ile calcaire… Dans l’eau translucide, ces ’’forêts’’ de coraux servent de nurseries et d’abris à beaucoup d’espèces de poissons.
N’oublions pas de relater aussi le plus incroyable rassemblement de Bernard l’ermite ! De toutes tailles, ils se retrouvent pour assurer le nettoyage impeccable des grilles de barbecue.
Les Bernard L’Ermite nettoient les grilles de barbeccue
Les touristes et les gardiens de l’île
Des gardiens se relaient pour encadrer les touristes qui viennent en nombre passer l’après-midi sur la plage grâce à quelques catamarans de charter.
Ce débarquement de masse nous rappelle un certain jour à La Graciosa, aux Canaries. C’est toujours effarant d’être témoin de certains types de comportement humain. Nous osons croire que parmi ces groupes couverts de crème solaire, ripaillant en s’esclaffant tout en ingurgitant des litres de punch, certains sont venus jusque là pour la beauté du lieu… Nous constatons que les sucriers, petits oiseaux jaunes et noirs, ne sont pas les derniers à goûter le punch. Des oiseaux devenus alcooliques ?!
Après cette « tornade humaine », nous voyons les gardiens ramasser les déchets laissés sur place : gobelets plastique, paquets de clopes, etc… et remettre la plage, ses quelques tables et barbecues en ordre pour le lendemain.
Ils dorment dans une maison/cabane construite au pied du phare édifié en 1840. Ils aiment particulièrement la nature et font de leur mieux pour sensibiliser les gens, on ne peut donc que s‘entendre !
Nous explorons l'île tels des Robinsons !
L’avantage d’être là avec FIDJI, c’est que nous ne sommes pas obligés de nous mélanger à cette foule et pouvons attendre que le calme soit revenu pour profiter de l’île qui s’offre alors à nous, et à nous seuls.
Une fois les catamarans partis, nous ne rencontrons plus que la faune locale et pouvons faire le tour de cette île incroyablement belle. Des plages magnifiques de sable blanc, des petits lagons invitant à la baignade, une végétation dense et courageuse bravant l’aridité du sol, le sel, le vent et le soleil… nous en avons plein les yeux comme jadis les premiers explorateurs.
Plage de Petite Terre
La plage principale bien plus calme une fois les bateaux de charter partis !
Le cocotier est présent et des noix tombées au sol assurent sa descendance. Les bords de mer sont recouverts de romarins blancs ou noirs, de plantes grasses, de buissons très serrés, de fleurs soleil ou de violettes « bord de mer ». Se dressant au-dessus, l’agave domine avec sa hampe florale d‘une dizaine de mètres de haut.
L’agave ne fleurit qu’une seule fois, à la fin de sa vie (qui peut atteindre 100 ans) ! La hampe pousse alors de 15 à 30 cm par jour ! La plante met toute son énergie dans cet acte reproducteur. Impressionnant !
Nous découvrons aussi le Gaïac, magnifique arbre de taille moyenne malheureusement en voix de disparition sur l’île car il a été surexploité à cause de son bois d’une dureté exceptionnelle (on en faisait entre autres des poulies pour les bateaux et des boules de billard). Il est aussi utilisé en pharmacie pour lutter entre autres contre l’arthrite.
Gaïac de Petite Terre
Une île pleine de vie : un trésor !
Ici pas de source, seul l’eau de pluie irrigue la terre et elle est assez rare car il n’y a pas de montagne ou de volcan pour retenir les nuages.
Mais la vie bat son plein. Les iguanes détalent sur notre passage. Certains plus courageux posent pour la photo.
Iguane de Petite Terre
Tournepierre à collier
Nous croisons aussi deux rats marrons qui se faufilent dans les fourrés. Ils sont arrivés sur les iles par voie maritime. Voyageurs indésirables et clandestins, ils ont réussi à coloniser toutes les îles découvertes par les explorateurs et sont de vrais fléaux.
Petite Terre, c’est la halte idéale pour les oiseaux migrateurs, mais pas que ! Parmi ces oiseaux, on notera la présence des sucriers, hérons verts, tourne-pierre à collier (qui nous amusent beaucoup à courir à toute vitesse avec leurs petites pates), huitriers pie, colibris, sternes…
Durant cette aventure autour de l’île, nous, les néo-Robinsons, étions à la recherche d’un trésor, pas n’importe lequel, nous voulions être au cœur de la vie. Petite terre est l’essence même de la vie et de sa capacité à s’adapter. Certes nous avons encore beaucoup de choses à découvrir, beaucoup de lieux à visiter et nous ne sommes certainement pas au bout de nos surprises, mais voici un endroit de plus qui restera à jamais dans nos cœurs !
Futurs cocotiers !
Une ombre au tableau
Une tache va quand même noircir notre tableau. En faisant le tour de l’île à pied, nous sommes passés sur la côte au vent. La plage y est très belle mais jonchée de déchets.
Nous sommes dépités.
Pour voir, nous déclenchons un chronomètre de 5 minutes afin de voir quelle taille pourra atteindre le tas de déchets que nous sommes capables de former pendant ce cours laps de temps. Énorme…. Aie aie aie…. Nous en parlons avec les gardiens qui nous remercient d’avoir réunis ces tas, ils le font hélas régulièrement… et ils savent qu’ils ne sont pas prêts d’en voir la fin….
Et parmi tous ces déchets, on compte au moins deux tiers de bouteilles en plastiques. Est-il nécessaire d’en remettre une couche avec la consigne que nous voudrions voir adoptée ?!
De l’autre côté, sous le vent, c’est beaucoup mieux, mais le travail des gardiens y est pour beaucoup.
Un petit paradis !
Nous retournons nous baigner. L’eau est vraiment exceptionnellement claire, un peu fraiche (26°C) et les poissons, petits et grands, nous donnent l’impression de nager dans un gigantesque aquarium.
FIDJI est là, il nous attend. Photo de carte postale ! Quel bonheur de retrouver le confort du bord entourés par tant de beauté. Quelles vacances de rêves. On mange, on fait la sieste, on lit, on écrit. Franchement, elle n’est pas belle la vie ?!
Bon, d’accord, on va retourner au travail, mais nous ne sommes pas pressés, c’est que nous venons de toucher au paradis ! Pendant ces quelques jours, nous avons tout oublié, nous étions vraiment là, dans le présent, et ça fait du bien.
Et puis, nous ne sommes tout de même pas les seuls, nous avons passé un moment fort sympathique avec un autre couple de voyageurs sur la plage cet après-midi. Et pour eux aussi l’endroit est paradisiaque.
Allez, top là on y reviendra !!!
Pat et Isa, très heureux à Petite Terre !